Misère de l'immigré
Quand on voit un Berbère, le bâton en travers des épaules, aller, la tête droite, bien drapé dans ses flanelles, l’oeil perdu dans des horizons bibliques et qu’on le revoit ici, on se demande où est le bienfait de la civilisation. Ici, regarde-le rêver qu’une perceuse lui crève le crâne parce qu’il a mal rempli l’imprimé de la Sécurité sociale. Il est accablé d’une journée de travail accomplie à un rythme qui le dépasse. Il est hanté par la journée de demain où l’attendent les contremaîtres, les moqueries, les règlements, les horaires, et cette extraordinaire piocheuse pneumatique dont l’admirable efficacité en tous terrains ne fera de ceux qui l’emploient que des vieillards précoces.
Henri Vincenot, Les yeux en face des trous, 1959.