De la droite à la gauche tout le monde a prôné la Fête. Rues piétonnières, où la fête est sollicitée, Beaubourg qui doit être le grand lieu de la Fête, le Trou des Halles qui doit le devenir, en même temps que la Fête de l'Humanité, et que les théologiens fabriquaient les liturgies festives, une théologie de la fête (ô Moltmann !) et pensaient sérieusement que si le peuple ne venait plus à l'Eglise c'est parce qu'il n'y avait plus de fête ! La Fête était partout cependant que le flot pressé des bagnoles qui continuaient à obséder les vies, que les flics occupaient tous les carrefours et dispersaient tous les rassemblements spontanés, que l'Ordre public et la Grande Loi de la circulation s'affirmaient plus impératifs. Qu'importe, la fête était remplie de Fête, on ne parlait plus que de cela, joint à ses deux acolytes l'Imagination et le Sexe.

Jacques Ellul, Je, tu, Ils, nous parlons soixante-huitard..., Revue Autrement, dossier n°12, Février 1978.