Aujourd'hui que l'Occident, arrivé à l'avant dernier degré de la surproduction, de la vitesse, de l'anémie et de la névrose entrevoit, comme remède unique à une prochaine catastrophe, la nécessité de ralentir le rythme de sa vie, de refréner ses besoins et de ne pas céder à toutes les exigences de la matière, il se tournerait volontiers vers l'Asie, lui demandant ses secrets d'antique sagesse. Mais l'Asie renonçante et apaisée a disparu ; le monde entier vit désormais sous le signe de la machine, de la machine inepte et sans vie, monstrueuse projection de l'âme polytechnicienne du constructeur (...). Un jour viendra peut-être où il n'y aura même plus d'Orient et d'Occident, mais une seule misérable nation terrestre interrogeant l'espace interplanétaire à coups de signaux lumineux.

Paul Morand, Papiers d'identité, Grasset, 1931.