Les avares ne croient point à une vie à venir, le présent est tout pour eux. cette réflexion jette une horrible clarté sur l'époque actuelle, où, plus qu'en aucun autre temps, l'argent domine les lois, la politique et les mœurs. Institutions, livres, hommes et doctrines, tout conspire à miner la croyance d'une vie future sur laquelle l'édifice social est appuyé depuis dix-huit cents ans. Maintenant le cercueil est une transition peu redoutée. L'avenir, qui nous attendait par delà le Requiem, a été transposé dans le présent. Arriver per fes et nefas au paradis terrestre du luxe et des jouissances vaniteuses, pétrifier son coeur et se macérer le corps en vue de possessions passagères, comme on souffrait jadis le martyre de la vie en vue de biens éternels, est la pensée générale ! pensée d'ailleurs partout, jusque dans les lois, qui demandent au législateur: Que payes-tu? au lieu de dire: Que penses-tu ? Quand cette doctrine aura passé de la bourgeoisie au peuple, que deviendra le pays ?

Honoré de Balzac, Eugénie Grandet, 1834.