L'homme s'adapte au milieu dans lequel il vit. Et du moment que le milieu est un milieu politique où l'on se fait des concessions réciproques, où l'on se rend des services les uns aux autres, où l'on ne se préoccupe que de son intérêt, on s'adapte à ce milieu, et que devient alors l'intérêt du pays ? J'ai connu des hommes convaincus, dont la conscience était droite, dont la pensée était haute, dont l'esprit était généreux, dont le coeur était sensible, je les ai vus entrer dans la politique, pénétrer dans le Palais-Bourbon. Que sont-ils devenus depuis ? Je parle de ceux qui y sont rentrés pleins d'ardeur, avec le désir de bien faire et qui sont obligés de constater que si, au Parlement, on est impuissant pour le bien, on y est, hélas ! tout puissant pour le mal. Les uns se sont retirés, écœurés, les autres ont cédé et, une fois sur la pente, ils sont allés jusqu'au bout. Ils croyaient qu'ils se préservaient de la contamination, mais la contagion était plus forte qu'eux et les a emportés. Ah ! que j'en ai connus de ceux-là ! La plupart des parlementaires sont corrompus d'avance. Ceux-là n'ont pas besoin d'attendre pour s'y pourrir. Ils apportent une corruption de plus, la corruption qu'ils ont en eux.

Sébastien Faure, La pourriture parlementaire, 1921.