Autant que la personnalité de Tancrède, celle de Godefroi paraît avoir impressionné les Arabes. D’abord par sa simplicité qui leur rappelait les premiers compagnons du Prophète. Durant le siège d’Arsouf plusieurs cheikhs vinrent apporter en tribut les produits de leur terre, du pain, des olives, des figues, du raisin sec. Ils trouvèrent Godefroi assis par terre, dans sa tente, à même le sol. Quand ils l’aperçurent ainsi, ils s’émerveillèrent : « Comment ce prince redoutable qui était venu de si loin pour tout bouleverser chez eux, qui avait anéanti tant d’armées et conquis tant de pays, se contentait-il d’un si modeste appareil, sans tapis ni draps de soie, sans vêtements royaux ni gardes ? » Mis au courant par l’interprète, l’avoué du Saint-Sépulcre leur fit répondre par le verset de l’Écriture : « L’homme doit se souvenir qu’il n’est que poussière et qu’il retournera en poussière. » Ils repartirent, dit la chronique, remplis d’admiration. Premiers contacts où l’ascétisme catholique et l’ascétisme musulman – comme devait le prouver un jour le père de Foucauld – se découvraient beaucoup plus proches qu’ils ne l’eussent pensé.

René Grousset, L'épopée des croisades.