Et voici que les temps d’abomination sauvage s’abattent en tourmente exterminatrice.

Une sueur de sang épaisse inonde la planète. C’est comme une rosée bienfaisante dont s’abreuve le mancenillier du capitalisme aux racines toujours plus pénétrantes.

Ah ! La rançon du progrès est dure ! Mais quel progrès ? Le progrès métallurgique ; la civilisation capitaliste, celle qui se mesure au poids de poutrelles (ou d’obus) que les peuples consomment !

Que devient l’humanité sous cette avalanche d’acier ? Elle devient matière elle-même, matériel, machine. Voyez les dissertations militaires, et voyez aussi l’Évangile du Taylorisme !

« Je pense, donc je suis », disait le philosophe.

Erreur ! Précisément parce que tu penses, tu ne seras pas. Étouffe ta pensée, extirpe tes sentiments et tu seras digne du progrès, et tu seras apte à vivre dans un temps de bestialité sans mesure.

Il faut être insensible.

L’idéal serait d’atteindre à une sensibilité de fer.

Rhillon, La rançon du progrès, La Plèbe n°1, 13 avril 1918.