- Le christianisme a-t-il encore un rôle à jouer dans notre monde «posthistorique» ? Ou n’est-il désormais qu’un objet de musée, relique du vieux monde, digéré par le monde nouveau dans lequel nous entrons ?

- Le christianisme, si dégradé soit-il, est une arme essentielle de la liberté. Je ne suis pas loin de penser que c’est même en lui, aujourd’hui, et presque en lui seul, par une ruse de la post-Histoire, que se réfugie tout ce que l’on a pu appeler le combat des Lumières; et que le monde technophile, festivophile et progressiste est au contraire le véritable monde de ténèbres et de réaction qui mène une guerre incessante à la liberté. On en arrive à cette situation paradoxale que c’est sans doute aujourd’hui dans le christianisme que l’on peut puiser les ressources nécessaires à l’élaboration d’une véritable critique radicale de la réalité, tandis que la domination obscurantiste est du côté de la secte immense des avancistes, du côté du Parti du Mouvement et de ces nouveaux prêcheurs effarants de la world philosophy qui n’arrêtent pas de répéter que le monde n’a plus besoin de critique, qu’il n’a besoin que d’amour.

Philippe Muray, Contre le cyber paradis, entretien avec Elian Cuvilier, Réforme, n° 2921, 5 avril 2001