La distinction entre ville et campagne est devenue inopérante, quand la forme dominante d'habitat n'a plus été ni urbaine ni rurale, et encore moins une synthèse des deux, mais un conglomérat amorphe et demesuré sans frontières clairement identifiables, sans espace public, ni identité locale. Robert Fishman a soutenu de façon convaincante que l'on ne pouvait même plus adéquatement décrire la nouvelle configuration comme suburbaine puisque le faubourg (suburb) qui était auparavant une annexe résidentielle de la grande ville a maintenant récupéré la plupart de ses fonctions. Les grandes ville conservent une importance résiduelle comme domiciliation de grands cabinets juridiques, d'agence de publicités, de sociétés d'édition, d'entreprises de loisirs et de musées, mais les quartiers de la classe moyenne, qui entretenaient une culture municipale vigoureuse, sont rapidement en train de disparaitre. Simples reliquats, nos grandes villes se polarisent de plus en plus; les membres des professions intellectuelles de la riche bourgeoisie, avec les employés de service qui pourvoient à leurs besoins, maintiennent une emprise précaire sur les beaux quartiers dont l'immobilier flambe, en se barricadant contre la misère et la délinquance qui menacent de les submerger.



Christopher Lasch, La révolte des élites et la trahison de la démocratie (1994), Climats, 1996.