J'appartiens à la race de ceux qui, a dit Renan, ont introduit les premiers l'idée de justice dans le monde. C'est la foi au règne de cette justice qui a animé tous les miens, depuis les prophètes et les pauvres poètes qui chantaient les psaumes, jusqu'à ceux qui, comme Marx et Lassalle, ont revendiqué les droits du prolétariat, jusqu'aux humbles martyrs de la révolution qui ont expié leur croyance en l'idéal d'équité, dans les géhennes russes, sous le knout ou aux gibets tsariens. Tous, tous ceux-là, mes ancêtres et mes frères, ont voulu, fanatiquement, qu'il fût fait à chacun son droit, et que ne penchât jamais injustement le plateau de la balance. Pour cela ils ont crié, chanté, pleuré, souffert, malgré les outrages, malgré les insultes et les crachats.

Bernard Lazare. Lettre ouverte au président de la ligue des droits de l’homme. L’Aurore, 7 juin 1899.