La moindre ménagère faisant son marché était efficacement protégée.

Protégée aussi bien contre la fraude, qui atteint toujours davantage les petites gens, que contre la vie chère, provenant des abus de l'intermédiaire...

Car, à l'époque, le consommateur direct a priorité absolue sur le revendeur. Ainsi, à Paris – qu'il s'agisse de n'importe quel achat: blé, œufs, fromages, vins –, le consommateur qui intervient avant que le denier à Dieu (les arrhes) ait été remis à l'acheteur ou même pendant qu'il le remet, au moment où on ferme le sac, a le droit de se faire céder la marchandise. Partout, on règle sévèrement le lieu où les revendeurs doivent se tenir pour être facilement distingués de ceux qui vendent le produit de leur propre travail. Ainsi, à Marseille, les revendeurs de poisson ne pouvaient se tenir qu'au grand marché; à la poissonnerie, l'acheteur était sûr de ne rencontrer que des pêcheurs vendant le produit de leur pêche. De plus – et cela se retrouve dans les villes aussi éloignées que Provins et Marseille –, le revendeur ne peut acheter qu'à partir de midi. Toute la matinée est réservée à celui qui achète pour sa consommation familiale.

C'est, on le voit, le contraire de ce qui se passe de nos jours, où l'acheteur privé ne peut se servir directement chez le marchand de gros, encore moins chez le producteur.

Pour les matériaux les plus chers, comme les matériaux de construction, bois, tuiles etc., les obligations allaient plus loin encore: pendant quinze jours, lorsque avaient été débarqués sur le port de Marseille des bois de charpente, seuls avaient le droit d'acheter les acheteurs privés; et pendant huit jours encore, ceux qui avaient laissé passer les délais pouvaient se faire rétrocéder au prix coûtant la marchandise acquise par le revendeur.

(Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L'histoire buissonnière, Stock, Évreux 1982, p. 280-281).