Le suffrage universel est une sorte de théorie atomistique, par laquelle le législateur, incapable de faire parler le peuple dans l’unité de son essence, invite les citoyens à exprimer leur opinion par tête, viritim, absolument comme le philosophe épicurien exprime la pensée, la volonté, l’intelligence, par des combinaison d’atomes. Comme si de l’addition d’une quantité quelconque de suffrages pouvait jamais sortir l’idée générale, l’idée du Peuple !... Le moyen le plus sur de faire mentir le peuple est d’établir le suffrage universel… Parce que les auteurs qui les premiers se sont occupés de l’origine des gouvernements, ont enseigné que tout pouvoir à sa source dans la souveraineté nationale, on a bravement conclu que le mieux était de faire voter, de la voix, du croupion, ou par bulletin, tous les citoyens, et que la majorité, absolue ou relative des suffrages ainsi exprimés, était adéquate a la volonté du peuple. On nous a ramenés aux usages des barbares qui, à défaut de raisonnement, procèdent par acclamation ou élection. On a pris un symbole matériel pour la vraie formule de la souveraineté. La poussière des suffrages a été considérée comme l’essence de la raison populaire !...

P.-J. Proudhon. Idées révolutionnaires.