Ce n’est pas seulement l’atelier, la ferme, le magasin, les docks et les ports, les entrepôts et les comptoirs, la terre et l’océan, qui lui sont soumis et lui paient tributs : elle passe avant l’école, l’académie, le théâtre, les assemblées politiques, les congrès ; avant l’armée, avant la justice, avant l’Eglise elle-même. Aucune puissance, ni dans l’antiquité, ni dans le temps modernes, ne peut se comparer à la sienne. Jamais les templiers, les ordres de Jérusalem et de Malte, cette milice des papes qui dominait les empereurs et les rois ; jamais les franciscains, les dominicains ou les jésuites ; jamais les tribunaux vehmiques et la franc-maçonnerie ne produisirent des effets plus prompts, plus universels, plus puissants. Les Alexandre, les César, les Charlemagne, les Napoléon, dans toute leur gloire, n’étaient auprès d’elle que de pygmées. L’imprimerie elle même, servie par les génies les plus profonds et les plus sympathiques, assistée de la vapeur, est au dessous de cette puissance souveraine qui trône, invisible, à la bourse, et chaque jour y rend ses oracles…

Proudhon. Manuel du spéculateur en bourse.