"L'écologie intégrale est un terme et concept que j'ai forgé il y a une dizaine d'année (écologie intégrale égale écologie humaine plus écologie environnementale, pour faire bref) et qui a même été repris par le pape après l'avoir été par les milieux écologistes chrétiens…

Mais j'ai découvert récemment que Leonardo Boff l'avait également utilisé il y a une douzaine d'années également, mais justement comme dépassement d'une conception religieuse de l'écologie et précisément pas comme le concept chrétien et catholique à ancrage biblique et théologique que j'avais forgé et qui est précisément celui repris comme concept central dans la dernière encyclique pontificale après avoir connu une fortune récente dans les milieux écolos-cathos - et maintenant que le-pape-l'a-dit, il est repris comme un mantra par tous les écolos-cathos et souvent instrumentalisé comme synonyme de l'écologie humaine : il est surtout utilisé par de nombreux cathos pour mettre en avant l'écologie humaine alors que quand je l'ai créé et mis en avant c'était pour rappeler aux cathos qu'il n'y avait pas que l'écologie humaine mais aussi l'écologie naturelle, environnementale, et que les deux sont indissociables.

Quoi qu'il en soit, je me retrouve aujourd'hui davantage dans le concept postcatholique et postchrétien d'écologie intégrale telle qu'entendue par Boff, au sens d'une écologie plénière, holiste, que dans celui que j'ai créé et qui est devenu la doctrine officielle de l'Eglise catholique et que je trouve trop anthropocentré. Anthropocentrisme que je trouve nettement à l'oeuvre dans telle définition de l'écologie intégrale : "si elle est réellement intégrale, c'est-à-dire si elle met l'homme et sa culture au premier plan. " C'est là que je ne suis pas d'accord. Bien sûr, l'écologie doit être aussi culturelle, politique et sociale : "Ce dernier point implique que l'écologie doit être soucieuse de lutter contre les situation d'exploitation et d'injustice. Elle doit se placer du point de vue des populations soumises à toutes forme de spoliation et du côté des travailleurs. Elle doit aussi défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, de leurs langues et de leurs cultures."

Je suis parfaitement d'accord sur ces points, et c'est précisément tout ce que je défends sans discontinuer depuis près de vingt ans dans mes engagements et mes écrits, et ce pour quoi j'ai lutté une dizaine d'années au sein de l'Eglise en me fondant sur les ressources spirituelles, sociales, politiques, etc. du christianisme, pour opérer cette nécessaire "révolution culturelle" et "conversion écologique" (selon les mots de Jean-Paul II) dans l'Eglise. Mais pour moi cela n'implique pas de mettre "l'homme et sa culture au premier plan", et c'est d'ailleurs ce en quoi je me sépare des Eglises et de leur anthropocentrisme déguisé en théocentrisme, et que je suis pour l'interprétation la plus radicalement écologique de Genèse 1 que je défends depuis une douzaine d'années (avant même d'avoir lu Callicott…) qui met la Création tout entière au centre et non l'homme - l'homme n'étant qu'une partie de la Création, et le "péché originel", la chute consistant en vouloir s'approprier, manipuler le paradis, le jardin, la Création, le monde en vue de servir ses propres fins (voir les premiers chapitres de mon premier livre paru en 2005, Le politique et le sacré, qui reprennent et développent des idées initialement parues dans les dernier numéros d'Immédiatement en 2002-2003). Je suis pour un grand décentrement vers le biocentrisme et l'écocentrisme.

J'étais déjà ouvertement et officiellement écologiste, anarchiste, régionaliste, autonomiste, populiste, socialiste et communiste libertaire, anticapitaliste, décroissantiste, indigéniste, etc., (j'ai même fait partie des Black Blocs, et pour moi même la CNT était trop molle, trop partisane, trop archaïque, trop sectaire, etc. …) : avant ma période de conversion (intellectuelle, politique, idéologique avant tout) au christianisme, qui a parfois émoussé le tranchant de l'expression de mes positions sans jamais les annuler : je n'ai d'ailleurs pas changé, maintenant que je ne suis plus croyant - si ce n'est plus chrétien au sens culturel -, et ce sont mes convictions profondes qui ont d'ailleurs agi comme un levain dans la pâte : au bout d'un moment, le voyant rouge qui s'allume et te dit "interdit de penser" ceci ou cela fait que tu ne peux plus rester dans quelque Église ou secte (ou parti) que ce soit. J'ai trop vu les extrapolations et élucubrations des Eglises (toutes les Eglises, catholiques, protestantes, orthodoxes comprises) pour arranger, accommoder et compromettre les Evangiles avec le monde, l'esprit des Evangiles et l'esprit du monde (à commencer par saint Paul), pour ne pouvoir être chrétien autrement que sous la forme "anarchriste" - et finalement, unitarienne, tolstoïenne, agnostique, athée… Les Eglises, toutes les Eglises, ne sont rien d'autre que des compromis, voire des compromissions, de l'Evangile et du monde. C'est à la fois leur grandeur et leur misère. Je crois toujours à la force révolutionnaire de l'Evangile, de l'esprit évangélique, qui, pur, ferait exploser toutes les Eglises et leur religion pagano-sacrifielle : ce sont elles, qui comme l'alliance des pouvoirs judéo-romains il y a deux mille, crucifient encore chaque jour le Christ sur les autels. Les Eglises sont judéo-païennes, sacrificielles, elles ne sont pas chrétiennes, pas évangéliques - ou si peu.

Je ne suis pas intolérant vis-à-vis de la foi, mais j'ai parfaitement le droit d'en exprimer ma vision : je trouve le christianisme beaucoup trop anthropocentrique sous déguisement théocentrisme (anthropomorphisme et anthropocentrisme clairement revendiqué d'ailleurs dans le "Dieu fait homme pour le l'homme devienne Dieu") et je pense que le christianisme notamment occidental (Athènes + Rome + Jérusalem) a eu une part importante dans l'émergence de la modernité, de son anthropocentrisme conquérant et de la destruction de la nature et des sociétés prémodernes.

Je trouve tous ces combats pour la défense des cultures et des langues beaux, justes, légitimes, intéressants, etc., mais j'ai le sentiment que là n'est pas ma place - notamment peut-être à cause de mon étrangeté radicale, car finalement je ne suis rien d'autre que français, et Français de multiples origines européennes non enraciné dans une région particulière, non issu de quelque part, d'un lieu, d'un pays - mais que ma place et mon combat personnels sont davantage dans l'écologie, la pensée et la défense de la nature notamment sauvage.

Me décentrer, me désanthropocentrer, me biocentrer, m'écocentrer.

Je suis passé sur côté deep-ecologist de la force. Le christianisme et son humanisme m'ont longtemps réfréné, je me suis réfréné longtemps à coup de grandes doses de christianisme pour conjurer ce que je suis vraiment, ce que j'ai toujours été : un inhumaniste, un écologiste profond. J'ai toujours pensé que nous étions trop sur terre, et autres pensées interdites, de tendance nietzschéennes, heideggeriennes, etc.

Mais j'ai enfin secoué le joug que je portais volontairement, je deviens ce que je suis, ce que j'ai toujours été.

Un écologiste radical.

Je prône l'égoïsme et le repli sur soi vis-à-vis de la pression sociale et plus largement humaine, mais pour et par l'ouverture sur l'autre que soi, le radicalement autre que soi qui est le non-humain, la nature. Je pense que nous sommes pourris d'altruisme jusqu'à la moelle, mais un altruisme qui est un égoïsme d'espèce. Je prône l'égoïsme individuel vis-à-vis des sollicitations et des pressions aujourd'hui démesurées de l'espèce humaine sur chacun de ses membres comme sur l'ensemble de l'écosystème planétaire et le grand altruisme, un altruisme élargi aux animaux, à l'ensemble du vivant mais aussi du non-vivant, des minéraux, des paysages...

Comme Soljenitsyne et bien d'autres, je prône l'autolimitation (économique, technologique, démographique...) de l'espèce humaine. D'ailleurs, si on relit le Nouveau Testament, c'est la positon de Jésus (contre la famille, le mariage, etc.), avant d'être en partie trahie par l'Eglise gagnée à l'idéologie familialiste-nataliste.

Deus sive Natura. Gaïa. Pacha Mama. Soeur Notre Mère la Terre.

Dans ma période chrétienne (et écologiste chrétienne), j'oscillais entre l'interprétation intendante et l'interprétation primitiviste de Genèse 1 (cf. Callicott).

J'ai tempéré par le christianisme mon écocentrisme/biocentrisme viscéral pendant une dizaine d'années.

Je suis d'accord sur la nécessité des luttes sociales, culturelles, etc., dans une écologie intégrale mais en désaccord avec tout anthropocentrisme. Une authentique écologie intégrale est écocentrique et non anthropocentrique.

Je ne crois plus en l'écologie humaine : je crois qu'il faut à la fois une (auto) réduction drastique de nos modes de vie et de nos populations humaines et animales domestiques. Je pense que l'humanité est globalement incapable de l'une comme de l'autre et que cela se résoudra de manière catastrophique et involontaire - non sans un appauvrissement et une perturbation globale des écosystèmes - et de l'écosystème global.

Je suis à nouveau pleinement sur la position de l'écologie radicale, profonde, intégrale en un sens plus intégratif et moins anthropocentré que le premier sens que j'ai forgé et qui est devenu la doctrine officielle de l'Eglise.

Ma position sur la question, c'est en gros la Décroissance + l'Ecologiste. Limite étant un lieu de conversion des chrétiens à l'écologie, de propagande, de propaganda ecologiae...

Je reviens globalement en les approfondissant à mes positions "antimodernes", "conservatives-révolutionnaires", "anarcho-anticapitalistes" et "écologistes radicales" de la seconde période d'Immédiatement - avant qu'elles ne soient atténuées par le christianisme comme, malgré toutes ses dimensions révolutionnaires, anthropocentrisme et pacifisme de démilitarisation des oppositions.

Je ne regrette pas d'avoir fait du bon travail de propagande écologique et sociale au sein de l'Eglise - qui plus est de bonne foi !"

Falco Peregrinus