Je suis athée.

Cela n'a rien d'une catastrophe. C'est même plutôt une libération. Comme un voile qui s'est levé. Cela faisait un moment que ça fermentait. Ça s'est précisé.

Pour être plus précis, je suis agnostique (non sachant), mais je peux dire aussi athée au sens strict (sans dieu). Non seulement je ne sais pas si Dieu existe, mais je ne crois pas que Dieu existe - en tout cas, pas le "Dieu" ou les "dieux" des humains - anthropomorphes, humains trop humains.

Si "Dieu" existe (en tout cas, un quelque chose à l'origine de ce qui est), il nous est parfaitement inaccessible, incommensurable, étranger.

Ce qui ne m'empêche pas d'être chrétien de culture, de tradition, de valeurs, de civilisation.

Le mystère est trop grand pour lui donner un nom. Les religions sont des tentatives parmi d'autres, comme les sciences, mais le mystère les déborde amplement.

Je crois que j'ai au fond un esprit trop scientifique (critique, sceptique, etc. mais pas du tout scientiste) pour être croyant.

Je n'y crois plus, c'est tout, c'est comme ça.

C'est comme se lever un matin et voir tout sous une nouvelle lumière, plus lumineuse, plus nette, plus précise, plus réelle.

Je ne remets pas en question l'existence de la foi, sa pertinence, sa cohérence.

Croit qui a envie, ou besoin, ou raison(s) de croire.

Je reste catholique, catholique agnostique, chrétien athée - et anarchiste chrétien.

Je ne suis pas antireligieux. Il faut juste remettre la religion à sa juste place - tradition, orientation, héritage, civilisation : place très importante.

Je me sens totalement libre, et pas hostile pour autant, même si critique à certains égards.

Je me sens même beaucoup plus libre de recevoir et comprendre les mystères chrétiens sans y voir folie et déraison. Avec une distance.

Il est possible d'avoir une lecture tout à fait rationnelle de tous les dogmes, révélations, récits, miracles, etc., du christianisme de manière symbolique : ils contiennent une vérité qui à interpréter, comme celle des mythes.

A cet égard, ne plus voir le dogme comme un énoncé contraignant, amis comme une "icône conceptuelle", à contempler et méditer pour en tirer une vérité de vie, une vérité qui est vie, une vérité qui fasse vivre.

Par exemple la Trinité, qui dit quelque chose de très fort de l'amour, de la paternité, de la relation, de la filialité, de l'union, l'unité, la personnalité, etc. - notre notion moderne de personne humaine, le personnalisme sous-jacent de la civilisation occidentale vient très fortement de là.

C'est typiquement une "icône conceptuelle", un "mystère" sur lequel on peut méditer sans pour autant forcément y croire.

Comme la Création, la Chute, la Rédemption, la Résurrection, l'Apocalypse, etc. Ce sont des mythes au sens fort du terme, porteurs de grandes vérités exprimées sur un mode symbolique.

La théologie est une sorte de mythologie, et j'ai toujours adoré la mythologie, sans pour autant y croire - mais elles disent des vérités, des archétypes sous une forme symbolique - comme les contes et légendes dont j'ai toujours raffolé. Cf. en psychanalyse Jung, Bettelheim... ; en anthropologie Lévi-Strauss, Girard...

L'homme est un animal symbolique.

Les religions sont des langages symboliques, des systèmes de valeurs, des ensembles de représentation.

De nombreux philosophes ont montré la rationalité à l'oeuvre dans les religions, notamment dans le christianisme (Kant, Hegel, et bien d'autres).

Hannah Arent, juive athée, a écrit à la fin de son essai sur la liberté dans La crise de la culture de très belles pages sur les miracles de Jésus comme capacité humaine à tout recommencer, à échapper à la fatalité, à affirmer sa liberté en dépit même des déterminations naturelles et sociales. En ce sens (et en bien d'autres), notre modernité est héritière de la croyance au miracle, de la foi et de l'espérance dans le miracle, comme de la charité qui fait advenir les miracles réels, concrets.

Je ne suis pas antireligieux, en tout cas pas antichrétien, tant que la religion dit quelque chose de vrai de la vie et sert la vie. Mais je serai évidemment critique envers toute tendance ou tentation religieuse allant contre la vie, la plénitude de vie, "la vie en abondance".

Littera occidit spiritus vivificat.

(Un anarchriste athée)

  • Du portugais "auto da fé", traduction du latin "actus fidei", "acte de foi".