Brassens s’affirme anticlérical, mais plutôt agnostique ou sceptique qu’athée. Il demande à voir, voire même à croire ! Mais s’il ne peut décider d’avoir la foi, il n’est pas fermé à la recevoir. Du « Sceptique » au « Mécréant » en passant par « L’Antéchrist », petite (a)théologie en chansons. Il proclame même dans « La Messe au pendu » son admiration pour un prêtre comme lui opposé à la peine de mort :



« Je ne suis pas du tout l'antéchrist de service,

J'ai même pour Jésus et pour son sacrifice

Un brin d'admiration, soit dit sans ironie.

Car ce n'est sûrement pas une sinécure,

Non, que de se laisser cracher à la figure

Par la canaille et la racaille réunies . »

L’ « anticlérical fanatique » se retrouve même soudain dans le rang des nostalgiques de l’ancienne messe tandis que l’apres Vatican II révolutionne l’Église. La chanson « Tempête dans un bénitier » tempête contre les nouvelles grenouilles de bénitier, qui séviront tant d’années. « Traditionaliste », Brassens ? Non, mais homme libre. Même s’il rend hommage a son confrère le Père Duval, nul doute qu’il n’aime guère les « curés – guitares ». Chacun à sa place, nom de Dieu ! Finalement, l’agnostique Brassens se retrouve très proche du catholique Jean Richepin, dans la veine baudelairienne, bloyenne, bernanosienne d’un christianisme pauvre et révolté – celui des gueux et des miséreux. De Richepin il chantera divers poèmes qui conspuent le stupide xixe siècle – et son brutal rejeton, le xxe du nom.

C’est tout de même par des prières qu’il faudra finir en toute justice ce florilège, prière païennes ou chrétiennes, prière du publicain en tout cas – et cette magnifique mise en musique du grand poème catholique de Francis Jammes – qui à tous tirera toujours des larmes. En attendont, chantons pour l’ami Georges :

« Les bonnes âmes d'ici bas

Comptent ferme qu'à mon trépas

Satan va venir embrocher

Ce mort mal embouché...

Mais,

Mais veuille le grand manitou,

Pour qui le mot n'est rien du tout,

Admettre en sa Jérusalem,

A l'heure blême,

Le pornographe

Du phonographe,

Le polisson

De la chanson . »