Alain Soral est un provocateur né, aussi n’irons-nous pas jouer le jeu en hurlant avec les loups… D’autant plus qu’il y a beaucoup de bonnes choses chez lui, à commencer par une liberté de pensée et de parole suffisamment rare pour être soulignée. Nous apprécions nombre de ses références – Bloy, Péguy, Bernanos, mais aussi Proudhon, Sorel, Orwell, ou encore Christopher Lasch et Jean-Claude Michéa – et partageons nombre de ses analyses : sa critique du capitalisme financier, de la mondialisation oligarchique, de la « construction européenne ». Souverainisme, patriotisme, défense du christianisme social mais aussi d’un islam français et patriote contre les « islamo-racailles », il est évident que cet essai délibérément polémique, abrupt comme une salve, fera crier au nouveau « complot rouge-brun » : populisme ! poujadisme ! et pire encore… Mais, complotisme pour complotisme, il est vrai qu’il prête le flanc à une franche critique : sa vision omniprésente, aux allusions transparentes et récurrentes, d’une gouvernance mondiale « judéo-maçonnique », grève sérieusement le sérieux de l’exercice, le tirant du côté du pamphlet. Dans la même veine, son opposition « marcionite » entre Ancien et Nouveau Testament, et sa division simpliste entre avant et après Vatican II, témoigne d’une méconnaissance des Écritures et de l’Église qui fera bondir tout catholique. Mais gageons que la virulence, la simplicité et l’exagération de ce brûlot lui assureront un certain succès – pour le meilleur et pour le pire.

Alain Soral, Comprendre l’Empire. Demain la gouvernance globale ou la révolte des Nations ?, Éditions Blanche, 2011

(Article paru en 2011)