Développant les intuitions de Marcel de Corte sur la « dissociété » et d’Eric Werner sur « l’avant-guerre civile », l’équipe de Catholica emmène un fort contingent d’universitaires européen pour un livre commun sur le temps qui vient et qui est déjà là.

Car enfin, nous y sommes : la modernité tardive, en se dégageant de toutes ses concessions aux héritages du passé, ne laisse place qu’à l’idée moderne dans sa pureté : l’individualisme, le relativisme et le nihilisme, révélateurs de l’esprit initial qui animait l’affranchissement moderne. La liberté des modernes, liberté toute négative, atteint son apogée – révélant son aporie : l’état de guerre de tous contre tous, de guerre civile permanente. Politique, économie, société, droit, philosophie, culture, le principe conflictuel s’étend partout avec son corollaire, la normalisation étatique : « Toute la société occidentale est agressive et violente et c’est cette violence que représentent, accréditent et multiplient les innombrables instruments de manipulation que sont les médias, dont la publicité, les techniques de vente et la propagande. » La modernité est antinomique de l’amitié politique, de la société naturelle, du bien commun. Ayant détruit à la racine la possibilité de créer des liens sociaux dignes de ce nom, l’Etat moderne les recrée artificiellement tout en perpétuant l’anomie nécessaire à son pouvoir.

Loin de sombrer dans le fatalisme, l’heure présente rend plus aiguë la nécessité d’un retour aux justes principes d’une vie sociale digne de ce nom – retour qui prendra nécessairement le caractère d’un affrontement, dont la Grèce nous offre les prémices.

Bernard Dumont, Gilles Dumont, Christophe Réveillard (dir.) La guerre civile perpétuelle. Aux origines modernes de la dissociété, Artège, 2012, 280 p., 17€