Ce soir, un homme libre parmi des hommes libres a fait le choix de mettre fin à ses jours en la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Si le geste est condamnable d'un point de vue chrétien, il n'en demeure pas moins qu'il faille faire preuve de retenue devant un acte aussi fort dont la portée toute entière ne saurait se révéler dans l'empressement caractéristique de l'ère du tout-informationnel et des réseaux sociaux.

Dominique Venner s'est suicidé à l'âge de 78 ans au pied de l'autel où les vêpres ne devaient pas tarder à être célébrées. À qui pensa-t-il en dernier ? Sans peine, nous pouvons l'imaginer : peut-être se rappela-t-il ces longues parties de chasse à courre (que le législatif lui aurait sans doute également retiré d'ici quelques semaines) en compagnie de celui qui fut son ami, François de Grossouvre. Comment ne pouvait-il pas penser à lui, alors même qu'il s'apprêtait à reproduire le geste que son ami fit en son époque dans un lieu tout aussi chargé de symbole, le palais de l'Elysée ?

Cette mort, chargée d'une certaine beauté tragique nous rappelle un dilemme auquel fut confronté Huysmans lorsque le grand Connétable des Lettres l'exhortait à choisir entre les pieds de la croix ou la bouche d'un pistolet. Dominique Venner, lui, a choisi les deux.

Peut-être ne se croyait-il pas capable d'approcher le Père de son vivant. Espérons qu'il l'ait trouvé là-bas. Car à rebours finalement, son geste prend sens.

Toute sa vie il aura dénoncé une société qui part à vau-l'eau, toute sa vie il aura souhaité que l'Europe se mette enfin en route afin de terminer la glorieuse construction civilisationnelle tombée en rade par la faute d'un progressisme inconscient.

Dans son dernier billet, il en appelait à "des gestes nouveaux, spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences, secouer les consciences anesthésiées et réveiller la mémoire de nos origines. Nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes."

Hélas pour lui, sa mort aujourd'hui fait l'objet d'une bien triste bataille qui n'honore nullement ses participants. D'un coté, les apôtres du "progrès" et les médias qui se plaisent à souligner ses engagement et à réduire tout ce qu'il fut sous l'étiquette de l'extrême-droite, tesson de céramique moderne qui lui vaut l'ostracisme. De l'autre, une frange des opposants au mariage pour tous, proche de l'UMP, tente d'en faire un martyr et un symbole de leur cause. C'est une dépouille que l'on se dispute. Les premiers n'ont qu'un souhait : la souiller. Les seconds veulent la soulever et l'exposer à des fins politiques. Leurs consciences à tous restent finalement anesthésiées.

Aujourd'hui notre pensée va à ses proches, sa famille et ses amis. Nous ne pouvons que demander des Antigone respectueuses afin de l'accompagner dignement là-haut, loin de toutes ces viles querelles qui sont les nôtres ici-bas. Et nous espérons que ces Antigone seront aussi nombreuses que les foules de Lourdes.

Un lecteur d'ANARCHRISME!