(Le suffrage universel) ne prendra (…) une valeur réelle égale à sa valeur symbolique que lorsqu’il sera lui-même engagé dans une organisation pluraliste. Par là je ne veux pas dire seulement que le suffrage personnel dont dépendent les assemblées législatives et la désignation des dirigeants (…) devrait être complété par la représentation (mais seulement consultative) des divers corps sociaux, syndicats professionnels, communautés de travail, grandes associations, familles spirituelles, institutions régionales, etc. Je veux dire aussi que le suffrage personnel lui-même pourrait fonctionner d’une façon mieux accordée à la structure organique de la communauté et par là même plus favorable à l’exercice du jugement personnel en chacun, s’il était organisé selon des catégories plus humaines que les simples catégories géographiques, et faisait appel à chaque citoyen pris dans le contexte de sa vie de membre de la cité. L’objet sauve le sujet ; pris en tant même que participant à la plus humble œuvre commune (je dis mesurée sur le réel et comportant des responsabilités réelles), c’est selon ce qu’il a de moins mauvais et de plus sage en lui que l’homme a chance de s’exprimer . Actuellement je vote comme un atome abstrait situé géographiquement dans telle aire électorale. Supposez que tous les citoyens soient répartis en communautés ou grandes catégories sociales disposant chacune d’un nombre de représentants proportionné au nombre de ses membres, et que je vote comme membre d’une telle communauté. Mon vote a plus de chance d’être raisonnable dans le second cas que dans le premier. Et la représentation de la nation serait assurée d’une façon plus organique et plus vraiment politique .

Maritain, Principes d'une politique humaniste