Sans doute le siècle industriel a vu construire et se perfectionner beaucoup de machines et il a été, d'un certain point de vue, le siècle de l'acier, du suicidaire acier, qui se retourne, en fin de compte, contre son père, le genre humain. Parmi ces machines, les dernières en date, qui servent à parcourir les espaces celestes, avaient été romantiquement considérées comme devant amener la paix parmi les hommes, par la facilité des communications et des échanges. La guerre a prouvé que les avions avaient un pouvoir de destruction sans précédent et duquel on pouvait attendre, dans un avenir rapproché, l'écrasement de cités entières. Le retournement de la machine contre l'homme est un problème tel qu'on peut se demander si c'était la peine d'exterminer les fauves et les carnassiers, étant donné qu'ils seraient remplacés par une zoologie métallique, infiniment plus redoutable que les animaux féroces antédiluviens, que le tyrannosaure de cinquante-cinq mètres de haut. Le bonheur par le progrès de la machine est devenu trés aléatoire.

Léon Daudet, Le Stupide XIXe siècle, 1922.