1. Site de la Conférence des évêques de France (ici) :

<< Le 18 juillet 1976, le Père Longueville était enlevé par la dictature militaire (1976-83). 34 ans après son martyre, Mgr Rodriguez, évêque de La Rioja (Argentine), a annoncé un processus de béatification.

Gabriel Longueville

Prêtre diocésain de Viviers, Gabriel Longueville est un prêtre « fidei donum » envoyé par son diocèse pour se mettre au service d'une Eglise soeur. Dans le cas présent, Gabriel partit en Amérique Latine, en se donnant totalement, pour de belles années de vie. Comme tant d'autres dans l'ensemble du continent, Gabriel s'est mis corps et âme au service de cette église de la Rioja dans le Nord Ouest de l'Argentine, à quelques 15 heures de bus de Buenos Aires. C'est bien la compréhension de l'Évangile qui a toujours poussé Gabriel vers les plus marginalisés de sa paroisse de Chamical. Il consacrait beaucoup de temps à tous les pauvres avec une patience extraordinaire. La formation qu'il leur donnait, pour qu'ils puissent s'en sortir eux-mêmes, et la conscience que ces derniers acquerraient, contribuèrent à soulever très vite une vague d'opposition et de protestations de la part de certains grands propriétaires terriens désireux de continuer à exploiter une population corvéable à merci, courbant l'échine, silencieuse face aux injustices subies.

Carlos Murias

Ce franciscain argentin, qui collaborait avec Gabriel, sentit lui aussi, très vite, certains appels très forts de l'Évangile - nous nous en souvenons bien ! - « heureux ceux qui ont faim, soif, sont sans vêtements, malades, emprisonnés, etc. » Carlos et Gabriel formèrent un tandem très vite repéré, dans cette région de Chamical où tout le monde se connaît.

« Il faut les éliminer »

La dictature militaire ne laissa que peu de temps à vivre à ceux qui étaient considérés comme des gêneurs pour leur travail en bas de la société. Mais il y avait plus que cela dans la décision de tuer ces deux prêtres : leurs opposants, eux aussi catholiques, avaient la certitude que ces prêtres étaient dévoyés dans le marxisme, perdus pour l'Église et qu'ils la trahissaient. Le cocktail de tous ces ingrédients permettait donc de passer au « nettoyage » ! Gabriel et Carlos savaient qu'ils mettaient leur vie en danger. Ils n'ont pas fléchi. Ils ont fait le choix en conscience de servir le Christ, dans leurs frères maltraités et démunis. Ils ne s'imaginaient pas que les choses iraient aussi vite et se dérouleraient comme cela s'est passé. Abattus comme des chiens, à quelques kilomètres de Chamical, ils sont restés fidèles au Christ qu'ils servaient dans le quotidien de leur existence. Wenceslao Pedernera, un laïc de la paroisse a subi le même sort. (au total dans le pays entre 1976 et 1983 : 2 évêques, plus de 100 prêtres, religieux et séminaristes et des MILLIERS de chrétiens engagés). Cette fidélité, aujourd'hui encore, impressionne beaucoup la population de Chamical qui garde un souvenir extraordinaire de ses pasteurs. Et ce souvenir donne l'occasion de célébrations, chaque année, à la date du martyre de Carlos et de Gabriel. Ce souvenir répété s'est concrétisé dans la mémoire de toute une région, au point qu'actuellement, le plus grand nombre de ceux qui participent à ces manifestations civiles et religieuses, ce sont les jeunes.

Enrique Angelelli

Mgr Enrique Angelelli, l'évêque du diocèse, a lui aussi été assassiné par les mêmes militaires, alors qu'il revenait de la paroisse de Gabriel, après avoir célébré les obsèques. Il avait avec lui toute une documentation sur la vie de ce dernier, sur ses engagements et son service des pauvres. Sa mémoire se perpétue et s'amplifie chaque année. Sur la route de Chamical à la Rioja, il y a maintenant un haut lieu de pèlerinage à l'endroit de l'assassinat camouflé en « accident ». Cette année 2006, après la reconnaissance officielle de l'assassinat (et non de l'accident) par l'Église d'Argentine, quelques jours avant les célébrations, l'Église de la Rioja a vu comme une reconnaissance, non seulement du martyre de son pasteur, mais aussi de la qualité de son engagement pastoral hors du commun (mais à l'époque, mal vu par ses frères évêques)... >>

2. Cet engagement était « mal vu » par des évêques argentins, mais non par le futur cardinal archevêque de Buenos Aires. Le 4 août 2006, pour le 30e anniversaire de l'assassinat de Mgr Angelelli par la junte, Mgr Bergoglio a prononcé dans la cathédrale de La Rioja une homélie où il a rendu un vibrant hommage à Mgr Angelelli, l'évêque assassiné, qu'il avait soutenu dès avant la dictature (quand il était provincial des jésuites) – ainsi qu'aux prêtres, religieuses et laïcs victimes de cette dictature :

<< ...Tel est le dialogue d'un pasteur avec son peuple que j'avais découvert ici à La Rioja, un dialogue chaque jour plus persécuté, une Eglise martyrisée, une Eglise répandant son sang comme Wenceslao Pedernera, Gabriel Longueville, Carlos Murias, témoins de la foi qu'ils proclamaient et qui offrirent leur sang pour l'Eglise, pour le peuple de Dieu, pour l'annonce de l'Evangile, et qui finalement s'incarne dans son pasteur. Il fut un témoin de la foi en versant son sang. Ce jour-là, sans doute, quelqu'un fut très heureux, croyant en son triomphe, mais c'était une déroute... Le sang de ces hommes qui offrirent leur vie pour l'annonce de l'Evangile est un véritable triomphe qui, aujourd'hui, plaide pour la vie, la vie de cette Eglise de La Rioja qui en est aujourd'hui dépositaire. La mémoire de Wenceslao, Carlos, Gabriel et de l'évêque Enrique n'est pas un simple souvenir dans une vitrine ; c'est un défi qui nous est lancé aujourd'hui, à regarder le chemin de ces hommes qui n'avaient d'yeux que pour l'Evangile, des hommes qui avaient librement accueilli l'Evangile. C'est ce que la patrie attend de nous aujourd'hui, d'être des hommes et des femmes libres de tout préjugé, de tout compromis, de toute ambition, de toute idéologie, des hommes et des femmes de l'Evangile. Rien que l'Evangile, auquel il n'y a pas d'autre commentaire à ajouter que celui qu'apportèrent Wenceslao, Carlos, Gabriel et l'évêque : le commentaire de leur propre vie. >>

Extrait de Seul l'Amour nous sauvera, éditions Parole & Silence.

Source : Patrice de Plunkett