La crise économique et sociale a-t-elle changé le sens de la solidarité et de la charité ?

La crise économique doit nous rappeler que la solidarité est une réponse de charité aux besoins des autres. Elle devrait aussi nous conduire à réfléchir au sens que l’on doit donner à l’État social. La mentalité commune croit que l’État doit être comme une nounou qui prend sous sa responsabilité l’homme depuis sa naissance jusqu’à sa mort et lui garantit tout. Or une conception aussi absolue risque de porter à une déresponsabilisation de l’individu et à un avilissement du concept de solidarité.

Dans la vision chrétienne, l’État ne doit être ni tout-puissant ni omniprésent, de manière à ce que cette solidarité inter-citoyenne puisse justement évoluer, pour encourager un principe de subsidiarité qui soit peut-être moins bureaucratique et moins onéreux. Car lorsque les impôts sont bas, la générosité et la responsabilité personnelle ont plus de chance de s’exprimer dans la vie sociale. Quand il y en a trop, c’est le contraire, il y a « idolâtrie » de l’État et on remet tout dans ses mains, alimentant ainsi l’indifférence personnelle.

On le voit bien surtout dans les nations où l’État devient de plus en plus impérieux et présent dans tous les domaines de la vie. Plus les États assument des responsabilités à la place des citoyens, plus ils deviennent tout-puissants, plus ils s’écartent de l’éthique, car il leur est impossible d’imposer de hautes valeurs morales à tous.

Est-ce une critique contre l’État social ?

Non. C’est un constat : là où les impôts sont plus bas, il y a plus de place pour la générosité, les dons fleurissent et les personnes se sentent plus responsables des autres. J’espère que la crise économique aidera à redécouvrir et à faire renaître ces concepts de solidarité et de subsidiarité. Il y a un grave problème, quand les États font d’énormes dépenses et mettent leurs dettes sur les épaules des générations futures.

Je me rends compte qu’en Europe on ne discute pas beaucoup de cela. Il est moralement incorrect que des enfants pas encore nés, aient à payer les frais de ce que les générations précédentes ont consommé. Si les gouvernements continuent à suivre de telles politiques, on arrivera à un affrontement intergénérationnel dramatique. Il arrivera un moment où l’État ne pourra plus rien donner, avec toutes les conséquences que cela comporte.

Dans l’optique éthique et sociale catholique, la situation est meilleure, quand l’État est moins présent et qu’il laisse plus d’espace à la créativité personnelle. Et puis n’oublions pas que dans la vision chrétienne de la vie, le Salut attendu n’est pas celui qui arrive de l’État, mais celui qui vient de Dieu.

Entretien avec Wojciech Giertych, théologien de la Maison pontificale