Un des travaux collectifs saisonniers qui subsistait il y a quelques dizaines d’années - la moisson - est effectué au moyen de machines, dont l’utilisation systématique et intensive s’oppose à l’entraide qui jadis présidait aux travaux agricoles. Les paysans, isolés, sont devenus entièrement dépendants du capital et de l’industrie. Leur soumission de fait au marché entraîne la fin de l’autarcie, la ruine complète du temps cyclique, de la symbiose avec la terre et avec la succession immuable des saisons. L’originalité de leur vie se résume à se rendre, endimanchés, sur la place du village, pour voir les gesticulations et entendre les chansons en patois écorché des associations folkloriques. Mais les manies folkloriques, les engouements touristiques pour les tout derniers symboles de l’ancien mode de vie rural, l’éloge sous-romantique de la nature et du vrai poulet de vrai grain, ne sauraient faire oublier la désolation de la campagne et le caractère appauvri à l’extrême de la mentalité paysanne versatile, à moitié fataliste, à moitié logique.”

Jean-Louis Moinet, Genèse et unification du spectacle, Champ Libre, 1977.