La chair du Christ donne aussi à l'incarnation un sens cosmique, universel, parce que dans le corps du Christ se trouve représentée toute la matière du monde. Si en une seule et unique occasion le Divin a pu s'unir avec l'humain, matériel, et le transfigurer sans l'anéantir, cela signifie que notre monde matériel est tellement conforme au Divin que le jour pourra réellement venir où selon les paroles de l’apôtre Paul, "Dieu sera tout en tous" (1 Co 15, 28), où tout sera pénétré, illuminé, consacré, transfiguré par la Divinité. Cela pose au chrétien non une question mais lui propose une mission. Pour lui le monde matériel n'est pas le fruit d'un hasard, la matière est aussi appelée à entrer dans un mystère de communion ; et il est possible de dire que le chrétien est le seul matérialiste conséquent et sérieux, le seul à croire en la matière, en ses possibilités infinies et insondables, en sa constante vocation d'entrer dans le mystère de Dieu (...) "Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit" dit Paul (1 Co 6, 20), et dans tout le reste, parce que tout est appelé à devenir sujet de l'acte sacramentel, de l'acte du sacrement eucharistique.

Métropolite Antoine Bloom (1914-2003), Entretiens sur la foi et L'Eglise, Cerf, 2011.