La civilisation occidentale contemporaine s’enfonce dans une impasse dont ni la science, ni un management efficace, ni les technologies ne sauraient la tirer. La crise de la société n’est pas un phénomène objectif, elle part d’une crise spirituelle de la personne restée sans Dieu avec ses problèmes insolubles et ses questions. La crise de la personne réside dans le déplacement de l’image de Dieu à la simple individualité. L’homme a perdu son visage, il est devenu une unité abstraite de la société de consommation avec un certain nombre de besoins. Le témoignage chrétien doit traverser comme un rayon de lumière l’épaisseur des amoncellements intellectuels des dernières époques. Il doit parler à l’homme-personne, redire toute la dimension unique de chacun d’entre nous, en d’autres termes, remettre l’homme sur le piédestal sur lequel l’avait placé le sublime mystère de l’Incarnation divine.

Les chrétiens doivent aujourd’hui remplir une mission essentielle, qui semble même impossible : tirer la civilisation contemporaine, dite « postchrétienne » de la crise. L’histoire nous enseigne que les civilisations se composaient de façon organique, par la collaboration créatrice et la coopération de personnalités concrètes. La religion, cette aspiration mystique des peuples qui embrasse toutes les sphères de la vie d’une société, définissait immédiatement toute civilisation. L’histoire ne connaît pas de civilisations sans religions. L’impulsion morale ne peut s’incarner concrètement que dans la sphère religieuse qui en est la source.

Métropolite Hilarion Alfeyev, Être du monde, sans être de ce monde, conférence à l’université catholique de Lugano, 29 octobre 2011.