Pie XI en 1931 déjà, dans Quadragesimo anno où socialisme et libéralisme sont renvoyés dos à dos, écrivait : « Cette science (économique individualiste), supprimant par oubli ou par ignorance le caractère social et moral de la vie économique, pensait que les pouvoirs publics doivent abandonner celle-ci, affranchie de toute contrainte, à ses propres réactions, la liberté du marché et de la concurrence lui fournissant un principe directif plus sûr que l’intervention de n’importe quelle intelligence créée » (n. 95). Puis c’est Pie XII, ensuite, qui ne mâche pas ses mots : « Si les physiocrates et les représentants de l’économie classique crurent faire une œuvre solide, en traitant des faits économiques comme s’ils eussent été des phénomènes physiques et chimiques, soumis au déterminisme des lois de la nature, la fausseté d’une telle conception se révéla dans la contradiction criante entre l’harmonie théorique de leurs conclusions et les misères sociales terribles qu’elles laissaient subsister dans la réalité. La rigueur de leurs déductions ne pouvait remédier aux faiblesses du point de départ : dans le fait économique, ils n’avaient considéré que l’élément matériel, quantitatif, et négligeaient l’essentiel, l’élément humain, les relations qui unissent l’individu à la société et lui imposent des normes, non point matérielles, mais morales, dans la manière d’user des biens matériels ».

Enfin, c’est Paul VI qui, dans Octogesima adveniens, en 1971, condamne avec le plus de netteté « l’idéologie libérale » : « Aussi le chrétien qui veut vivre sa foi dans une action politique conçue comme un service ne peut-il, sans se contredire, adhérer à l’idéologie libérale, qui croit exalter la liberté individuelle en la soustrayant à toute limitation, en la stimulant par la recherche exclusive de l’intérêt et de la puissance, et en considérant les solidarités sociales comme des conséquences plus ou moins automatiques des initiatives individuelles et non pas comme un but et un critère majeur de la valeur de l’organisation sociale » (n. 26).

Paul VI résume finalement le libéralisme en le décrivant comme « un système qui considère le profit comme la clé du progrès économique, la concurrence comme la loi suprême de l’économie et la propriété privée des moyens de production comme un droit absolu qui ne connaît aucune limite et ne comporte aucune obligation sociale corrélative ». À sa suite, Jean-Paul II, notamment dans Centesimus annus, et Benoît XVI dans Caritas in veritate, mettront les chrétiens fermement en garde contre la tentation puissante d’un système à prétentions inouïes qui, faisant fi des moyens, se gargarise de parvenir au bonheur matériel de tous.

La présente situation démontre finalement que ces prétentions prométhéennes non seulement ont détruit toute cohésion sociale et toute recherche d’une destinée supérieure, mais qu’encore, ce qui était induit dans ces prémisses ne fonctionne pas. Une autre voie reste, non à trouver puisqu’elle est contenue dans cette doctrine sociale de l’Église, mais à appliquer enfin, avec courage et lucidité.