Il y a aussi la religion des Ismaélites qui domine encore de nos jours, égare les peuples, et annonce la venue de l’antéchrist. Elle tire son origine d’Ismaël, le fils d’Abraham et d’Agar. Pour cette raison on les nomme Agarène et Ismaélites ; on les appelle aussi Sarrasins, ce qui signifie dépouillé par Sara. Agar répondit, en effet, à l’Ange : «Sara m’a renvoyée dépouillée».

Ils étaient donc idolâtres et adoraient l’Etoile du Matin et Aphrodite, qu’ils ont appelée précisément Chabar dans leur langue, ce qui veut dire grande.

Donc, jusqu’à l’époque d’Héraclius, ils ont ouvertement pratiqué l’idolâtrie. A partir de cette époque et jusqu’à nos jours un faux prophète, du nom de Mahomet, s’est levé parmi eux, qui, après avoir pris connaissance, par hasard, de l’Ancien et du Nouveau Testament, et, de même, fréquenté vraisemblablement un moine arien, fonda sa propre hérésie.

Après s’être conciliée la faveur du peuple en simulant la piété, il insinue qu’une Ecriture venue du ciel lui a été révélée par Dieu. Ayant rédigé dans son livre quelques doctrines risibles, il leur transmet cette façon d’adorer Dieu.

Il dit qu’il y a un seul Dieu, créateur de toutes choses, qu’Il n’a pas été engendré et qu’Il n’a pas engendré. Selon ses dires, le Christ est le Verbe de Dieu et son Esprit, mais il est crée et il est un serviteur ; il est né sans semence de Marie, la s-ur de Moïse et d’Aaron. En effet dit-il, le Verbe et l’Esprit de Dieu sont entré en Marie et ont engendré Jésus, qui fut un prophète et un serviteur de Dieu.

Et, selon lui, les juifs, au mépris de la Loi, voulurent le mettre en croix, et, après s’être emparés de lui, ils n’ont crucifié que son ombre. Le Christ lui-même, dit-il, ne subit ni la croix ni la mort. En effet Dieu l’a pris près de lui dans le ciel, parce qu’Il l’aimait.

Et il dit également, qu’une fois le Christ monté aux cieux, Dieu l’a interrogé en disant : « Jésus ! as-tu dis : je suis le fils de Dieu et Dieu ? » Jésus d’après lui, a répondu : « Sois miséricordieux envers moi, Seigneur ! Tu sais que je n’ai pas dit cela et que je ne dédaigne d’être ton serviteur. Mais les hommes mauvais ont écrit que j’avais fait cette déclaration ; ils ont menti à mon égard, et ils sont dans l’erreur ». Dieu, dit il, lui a répondu : « Je sais que tu n’as pas fait cette déclaration ».

Beaucoup d’autres absurdités dignes de rire sont rapportées dans cet Ecrit, et il se vante qu’il est descendu sur lui venant de Dieu. Mais nous disons : Qui témoigne que Dieu lui a donné une Ecriture, ou qui, parmi les prophètes, a annoncé qu’un tel prophète devait venir ?

Nous les mettons dans l’embarras quand nous leur disons : Moïse avait reçu la Loi sur le Sinaï, à la vue de tout le peuple, quand Dieu apparut dans la nuée, le feu, les ténèbres et la tempête ; et tous les prophètes depuis Moïse, ont tour à tour annoncé que le Christ viendra, que le Christ est Dieu et que le fils de Dieu arrivera en prenant chair, sera crucifié, qu’il mourra et ressuscitera, et que c’est lui qui jugera les vivants et les morts.

Et quand nous disons : Pourquoi votre prophète n’est-il pas venu de la même façon, avec d’autre pour lui porté témoignage, et pourquoi Dieu, qui a donné la Loi à Moïse aux yeux de tout le peuple, sur une montagne fumante, ne lui a-t-Il pas transmis l’Ecriture dont vous parlez, en votre présence, pour asseoir votre certitude ? Ils répondent que Dieu fait ce qu’Il veut.

Cela, disons-nous, nous le savons bien nous aussi, mais nous demandons comment l’Ecriture a été révélée à votre prophète. Ils répondent que c’est pendant son sommeil que l’Ecriture est descendue sur lui. Pour nous moquer d’eux nous disons : Puisqu’il reçu l’Ecriture pendant son sommeil, sans se rendre compte de cette activité, l’adage populaire lui convient parfaitement- vous me débitez des songes-.

Nous leur demandons à nouveau : Puisque lui – même vous a ordonné, dans votre Ecriture, de ne rien faire ou de ne rien recevoir sans témoins, pourquoi ne lui avez- vous pas demandé : Toi le premier, prouve à l’aide de témoins que tu es prophète et que tu es envoyé de Dieu ; et quelle Ecriture témoigne en ta faveur.

Honteux, ils gardent le silence. Avec raison nous leur disons : puisqu’il ne vous est pas permis d’épouser une femme, ni d’acheter ni d’acquérir sans témoins ; seules donc la foi et l’Ecriture vous les acceptez sans un témoin ! Car celui qui vous a transmis cette Ecriture ne possède de garantie d’aucun côté, et on ne connaît personne qui ait témoigné en sa faveur par avance. Bien plus, il l’ a reçue pendant son sommeil !

Saint Jean Damascène (676-749), Des hérésies