Le véritable oui à la terre n'est pas celui de Nietzsche, mais celui de Dostoievski. Le oui de Nietzsche veut affirmer la vie, mais ce qu'il nomme ainsi est mêlé de mort, porteur de mort. La divinité qui danse porte un collier de têtes, le XXe siècle nous l'a rappelé. Dostoievski a connu des tentations semblables. "Il a su tout ce que Nietzsche a su et quelque chose en plus", a écrit Berdiaev. Quelque chose en plus : les noces de Cana, où l'infini embrase la terre, change en vin mystique l'eau matricielle, en définitive l'eau banale du quotidien. Car la véritable mystique n'est rien d'autre que l'ordinaire de l'extraordinaire.



Olivier Clément, L'autre soleil, 1975.