On sait que la vie très mouvementée du bienheureux Charles de Foucauld a aussi eu un intermède palestinien de trois ans, du 24 février 1897 au 1er avril 1900. Venu déjà en simple pèlerinage rapide en 1888, il passe par Bethel et Ephraïm-Taybeh au début de janvier 1889. Mais c’est surtout après son passage dans les Trappes d’Akbes en Syrie et de Staoueli en Algérie qu’il arrive en février 1897, à Nazareth, pour y mener, avec l’assentiment de son directeur, l’Abbé Huvelin, « la vie pauvre des Nazareth, très humble et cachée, chez les Clarisses. Pauvre gardien qui, le fusil sur les genoux, laissa le renard venir se servir dans le poulailler des Sœurs ! »

En 1898, il vient chez les Clarisses de Jérusalem, et c’est pendant ce séjour qu’il cherche à nouveau à Taybeh le souvenir de son Maître. A ce moment est curé de Taybeh un jeune prêtre français, Don Jean Belliot, né en 1864, ordonné en 1889 et arrivé la même année au Patriarcat. Il a appris l’arabe, comme vicaire, à Salt et à Reneh. Est-ce lui qui invite Charles de Foucauld ou celui-ci, habitué à parcourir à pied en pauvre pèlerin tous les sites évangéliques – il mentionne même Zababdeh pour y avoir suivi le cheminement de la Saint Famille – vient-il de lui-même frapper chez Don Belliot, nul ne le sait. L’Abbé Huvelin a appris à Charles de Foucauld à méditer par écrit, ce qu’il fait spécialement pour ses retraites, pleines de ses élévations enflammées. La « Retraite d’Ephrem » couvre ainsi plusieurs dizaines de pages, sous le titre : « Huit jours à Ephrem, retraite de 1898, du Lundi après le 3e Dimanche de Carême au Lundi après le 4e Dimanche de Carême », soit du 14 au 21 mars. Cette méditation, qui correspond a la retraite de Jésus a Ephraïm avant la dernière montée à Jérusalem, couvre tous les mystères de la vie du Christ.

« Lundi. 8 heures du matin. – Nous sommes autour de Vous, la Sainte Vierge, sainte Magdeleine, les apôtres, et cet être indigne et misérable a qui Vous permettez de se tenir a Vos pieds. La chambre est close…, aucun bruit du dehors n’y parvient, si ce n’est le son de la pluie. Vous ouvrez la bouche et Vous parlez, mon Dieu… Tous vous regardent, tous Vous écoutent, avec quel amour et quel soin !... Vous avez, dites-Vous, encore huit jours a passer a Ephrem, Vous en partirez mardi prochain, demain en huit, pour aller en Galilée, où Vous ne ferez que passer, car vendredi en quinze, Vous serez de retour a Béthanie, et vendredi en trois semaines, jour de l’immolation de la Pâque, ce sera aussi le jour de l’immolation de l’Agneau de Dieu (ô Jésus, que dites-Vous ?...) Pendant ces huit derniers jours de retraite, Vous allez repasser avec Vos enfants qui font cercle autour de Vous, les principaux actes de Votre vie… » « Jeudi. 8 heures soir. – Mon Dieu, voici l’heure du silence revenue. La nuit enveloppe la terre, le ciel est noir et couvert de nuages, on n’entend d’autres bruits qu’un chant lointain… Qu’il est triste, ce chant qui sort de quelque maison et qu’apporte le vent !... »

« Samedi. 9 heures soir. – Mon Dieu, voici la nuit venue. Le vent souffle en ouragan, de temps en temps la pluie l’accompagne…, tous les bruits se sont tus…, on n’entend que le vent qui souffle et la pluie qui tombe… Vous priez immobile et silencieux, une petite lampe éclaire Votre visage si beau, si pale, si calme, si pensif… Tout près de Vous, la Sainte Vierge, sainte Magdeleine sont a genoux et prient… Vos apôtres sont là aussi, silencieux, recueillis, priant : tous Vous regardent, les yeux ne se lassent pas de Vous voir. Mettez-moi avec eux, à Vos pieds, mon Dieu ! »

« 4e Dimanche de Carême. 6 heures 30 soir. – Le jour s’avance, mon Dieu ; hélas, ce jour à Ephrem est presque terminé… » « 8 heures soir. Mon Seigneur Jésus, voici la nuit venue ; tout se tait, l’ombre et le silence enveloppent la terre… Tout dort dans le village… On n’entend aucun bruit… Vous veillez, Votre Mère, sainte Magdeleine, veillent près de Vous et vous regardent tristes, en priant : elles comptent les jours… »

« Lundi après le 4e Dimanche de Carême. Mes petits enfants, le jour touche à sa fin, Je n’ai plus que quelques mots à vous dire… Le dénouement approche pour Moi, et cette petite retraite d’Ephrem est presque finie… Demain matin, nous partirons pour la Galilée… Je veux pourtant vous dire encore trois choses pendant que nous sommes encore recueillis dans cette solitude : d’abord, pauvreté, pauvreté, pauvreté. »