Pour assurer la paix entre les deux grandes puissances maritimes catholiques de l’époque, le Pape Alexandre VI, par le traité de Tordesillas (1494), avait partagé le monde en deux patronages : aux Espagnols revenait la tache de coloniser et évangéliser les Indes Occidentales, tandis qu’aux Portugais étaient dévolues les Indes Orientales. C’est ainsi que le Cambodge apparaît pour la première fois sur les portulans en 1527 sous le nom de Cambuxa. En 1555, un dominicain portugais, Gaspard da Cruz, fait son entrée à la cour royale de Longvek, alors capitale du royaume khmer. Mais, lors de son année de séjour, il se rend rapidement compte que le roi Ang Chan l’a davantage invité pour se rapprocher d’une puissance occidentale que dans l’intention de se convertir - constat partagé quelques années plus tard par son confrère Sylvestre d’Azevedo, pourtant lui aussi venu à la demande du souverain khmer Satha. Sans se décourager, frère Sylvestre apprit la langue khmère et gagna la confiance du roi dont il obtint même en 1590 un édit de liberté religieuse lui ouvrant la possibilité d’enseigner la foi catholique. Au milieu des violentes persécutions asiatiques, cette relative tolérance fit longtemps du Cambodge une terre d’asile pour les chrétiens d’Extrême-Orient. Aux tentatives des missionnaires portugais suivent donc l’arrivée de catholiques japonais au début du 17e siècle et celle de fidèles indonésiens vers 1660.

Mais la mission khmère proprement dite ne commence vraiment qu’en 1768 avec l’arrivée du Père Georges Levavasseur, des Missions Etrangeres de Paris, qui n’eut de cesse, une fois apprise la langue khmère, de traduire les principales prières et le catéchisme, prononçant ses sermons en langue vernaculaire, pour arriver des 1770 au baptême de dix adultes. “ Pendant les onze années de son apostolat au Cambodge, de 1768 a 1777, le Père Levavasseur a lancé les bases de la mission auprès des Khmers. En dépit de la guerre incessante et de la misère qui s’ensuivit, il laissa un nombre impressionnant d’ouvrages en langue khmère : un catéchisme, un livre de prières usuelles, un traité contre les superstitions, un dictionnaire cambodgien-latin…”, écrit le Père François Ponchaud, mep, dans le livre qu’il a consacré à l’histoire de l’Eglise du Cambodge . Mais les troubles qui suivent l’invasion siamoise de 1785 et la quasi disparition de la souveraineté khmère, assujettie à l’Annam et au Siam, ralentissent l’évangélisation.

Appelé par le roi Ang Duong qui voit en lui un intermédiaire avec la puissance française, le Père Jean-Claude Miche, précédemment missionnaire en Cochinchine, est nommé en 1848 vicaire apostolique du Cambodge. Proche du roi puis de son fils Norodom, il joue un rôle important dans la signature du traité de protectorat français de 1863. La colonisation ne fera guère avancer la mission en termes de conversions, l’essentiel des catholiques du Cambodge étant des immigrés viets, et ce n’est qu’en 1957 que le premier prêtre khmer, Simon Chem Yen, est ordonné en la cathédrale de Phnom Penh. L’Eglise cependant s’implante et s’organise, ajoutant au vicariat apostolique de Phnom Penh les préfectures apostoliques de Battambang et de Kompong Cham. Mais, de 1975 a 1979, le régime de Pol Pot extermine l’Eglise cambodgienne, et ensuite l’occupant vietnamien maintient l’interdiction de la religion catholique. En 1989 le premier prêtre à rentrer au Cambodge comme travailleur social pour Caritas International est le Père Emile Destombes, mep, qui deviendra évêque de Phnom Penh. Il ne reste rien de l’Eglise, toutes les paroisses ont été rasées et les communautés exterminées – seuls quelques survivants sont dispersés dans les camps de réfugiés de la frontière thaïe. En 1990, après le retrait des troupes vietnamiennes, le nouveau gouvernement autorise le culte chrétien. L’Eglise khmère renaît de ses cendres. Si les catholiques sont peu nombreux – une trentaine de milliers de fidèles dont la majorité est viet –, l’Eglise du Cambodge est cosmopolite, jeune, dynamique et très impliquée dans l’aide aux pauvres et l’éducation de la jeunesse – comme en témoignent entre autres ces magnifiques foyers de charité missionnaire que sont la paroisse de Takeo du Père Olivier Schmitthaueusler, mep (www.amisdelariziere.com), ou encore le diocèse de Battambang qui, sous l’énergique impulsion de Monseigneur Kike Figaredo, sj, a bien mérité son surnom d’ “Eglise humanitaire” (www.battambang.net).