Pour ceux qui ont la chance de venir visiter Taybeh, la rencontre avec Kassam Muaddi, étudiant en sciences politiques, polyglotte doué et passionné d’histoire, est un moment fort.

Ecoutons ce jeune chrétien palestinien évoquer la situation politique concrète de sa patrie : « Il y a trois colonies israéliennes construites entièrement ou partiellement sur les terres de Taybeh. L’une est Ophra, l’autre est Rimmunim, au sud, qui porte le nom biblique de Ramoun, un village voisin, et la troisième s’appelle «Etoile du Matin », elle est la plus lointaine du coté Est. Ophra est un des noms anciens de Taybeh, une variante d’Éphraïm. Les colonies sont des concentrations démographiques israéliennes, installées par les autorités militaires israéliennes après l’occupation de 1967. Les trois colonies à Taybeh datent de la fin des années 70 et du début des années 80. Elles sont complètement fermées. A l’intérieur se développe une société parallèle, avec sa propre agriculture, sa propre industrie, son propre commerce, et avec une puissance militaire non régulière, indépendante de l’armée israélienne, qui leur permet de se protéger toutes seules. Néanmoins, les armes des colonies ne sont pas soumises à la loi de l’armée, ce qui veut dire qu’elles sont hors contrôle. Les colonies grandissent chaque année. Il y a cinq ans on ne voyait pas les colonies si clairement et si proches. Elles grandissent par la confiscation arbitraire des terres en expropriant leurs propriétaires palestiniens. Beaucoup de gens, du fait du chômage, se voient obligés de travailler dans la construction chez les colons, dans les terres qui appartenaient à leurs pères, et desquelles ils vivaient dans leur enfance. Les travailleurs palestiniens dans les colonies sont payés à l’heure, et ont besoin d’un permis d’entrée dans les colonies, donné par les autorités militaires israéliennes. Une façon d’appliquer des punitions collectives, est de ne pas donner des permis pour une période déterminée. Des milliers des travailleurs palestiniens ne peuvent alors pas entrer dans les colonies ni accéder à Jérusalem. La main d’œuvre disponible dans les villes et villages palestiniens augmente et, par conséquence, le prix d’une heure de travail baisse. Les colonies dépendent des mêmes sources d’eau souterraine que les communautés palestiniennes. Les points d’extraction de l’eau souterraine se trouvent dans les zones « C » qui sont sous le contrôle absolu israélien, ce qui veut dire que la distribution de l’eau est faite par Israël. Annuellement en Cisjordanie, huit cent millions des mètres cubes d’eau sont consommés, dont seulement cent millions par la population palestinienne, qui est majoritaire (deux millions et demi de Palestiniens, et trois cent cinquante mille colons) ce qui veut dire que chaque colon consomme en moyenne sept fois plus qu’un Palestinien. Mais chaque Palestinien paie en moyenne quatre fois plus qu’un colon. Nous payons l’eau qu’eux consomment ! En été, on a régulièrement trois ou quatre jours par semaine sans eau courante, raison pour laquelle nous avons installé sur les terrasses des réserves pour maintenir l’eau. En plus des colonies nous avons l’armée israélienne qui a le contrôle dans les zones « B » comme Taybeh. Elle a des pouvoirs sur la population civile selon la loi israélienne, comme le pouvoir d’invasion des maisons a minuit pour faire le « contrôle sécuritaire », ou de démolition des maisons, en plus des confiscations de terres, et d’enlèvement des personnes chez elles ou a n’importe quel endroit. Les enlèvements peuvent se transformer en détentions administratives, qui consistent à mettre la personne en détention pour six mois sans charges, ni avocats, ni tribunal. Six mois après lesquels un tribunal militaire a le droit de laisser en liberté ou de prolonger encore six mois - indéfiniment. Parfois les détenus sont obligés de reconnaître des choses qu’ils n’ont pas fait, pour sortir du statut de détenu et avoir un procès, un avocat, le droit de se faire visiter, et un jugement, ce qui lui permet de savoir quand il va sortir, même si c’est après beaucoup d’années. »