Au commencement était le Père
C’est l’histoire d’un père et d’un fils.... D’un père qui devient fils et d’un fils qui devient père... Et aussi celle d’un père qui devient comme fils de son fils et d’un fils qui devient comme père de son propre père... Et en même temps le père ne devient père que quand il devient fils et le fils n’est jamais plus fils que quand il se fait père... Et inversement...
Père et frère d’une multitude de fils et de frères... Et vice et versa... Vous suivez ? Non ? Eh bien, reprenons depuis le commencement...
Commençons par le commencement...
Au commencement... était le Verbe...
Au commencement... Dieu créa le ciel et la terre...
Vous vous souvenez ?
Au commencement était le Père
Au commencement était le Fils
Au commencement
Il y a donc
Un Père
Et un Fils…
Un Père
Et son Fils.
Car comment un Père
Pourrait être père
Sans fils
Sans enfant
De quoi serait-il père,
Alors ?
De rien…
Donc,
Au commencement,
Au principe même,
Il y un Père,
Et un Fils,
Forcément.
Et il ne pourrait y avoir
Non plus
Juste un Fils
Sans Père
Car de quoi serait-il Fils
Alors ?
De personne…
Et des deux
D’eux deux
Procède
-(Car l’Amour entre deux se fait toujours tiers
Car l’Amour entre deux est comme une tierce
Personne
Comme une personne
Comme quelqu’un
Qui unit les deux
Qui s’aiment)
Et des deux
D’eux deux
Procède
L’Esprit
Le Souffle d’Amour et de Vie
La respiration créatrice du monde
Comme un enfant naît de l’amour de deux
Comme un enfant incarne
Est l’amour même de deux
Parole
Chair
Souffle
Verbe
Sagesse
Semence
Sang
Ame
Père
Fils
Esprit
Dieu un et trine
C’est ainsi que tout a commencé.
Car quand un Père et un Fils s’entendent
Ils ont
Ils sont
Comme un unique Esprit
Un même Esprit les anime.
Quand deux êtres
Deux personnes
S’entendent
S’aiment
Un même souffle
Un même Esprit
Un même élan
Les anime
Les porte
Les unit
Dans un seul et même et unique Amour
Et ils ne sont pas plusieurs
Mais Un…
Bon, n’oubliez pas cela, ça n’est pas sans rapport avec notre histoire, nous le verrons plus tard, mais pour le moment, sautons allègrement quelques éons, et venons-en à nos moutons...
Ça a donc commencé comme ça...
Ça pourrait commencer comme ça...
Ça commencerait comme ça...
Ça commence...
- Je suis inquiet
Mon fils
Revient d’Israël
Et il me semble
Que son chemin
Suit une mauvaise pente…
Ah !
Qu’il est dur d’être père
De nos jours
Où cette jeunesse
Indolente
Insolente
Même
Se laisse aller
Se laisse porter
Au fil des vagues
Au gré de ses rêves
Au vent de ses désirs
Sans se soucier guère
De ceux qui triment
Et s’inquiètent
Derrière…
Ce séjour en Terre sainte
Ne me dit rien qui vaille
Il est parti
Avec un de ces jeunes prêtres
Excités
Exaltés
Vicaire de la paroisse
Un incontrôlable
Celui-là !
Vous avez
Une de ces jeunes têtes
Bien faites
Mais un peu folles
Qui n’a pas encore la bouteille
La finesse
La délicatesse
La diplomatie
Et l’expérience
D’un bon vieux curé
Bien tanné…
Un enthousiaste, quoi !
Un endieusé…
Un fou de Dieu…
Enfin…
Les autres sont tous revenus
Le prêtre y compris
Mais lui
Mon fils
Il est resté là-bas
Quelques semaines encore
Qui sont devenues un été entier…
« Ne vous inquiétez pas,
Il a encore un peu de chemin à faire… »
Voilà ce qu’il m’a dit
L’aumônier
La bouche en cœur…
La bonne âme !
Il paraît qu’il était
Chez des moines
A Bethléem ou je ne sais où…
Enfin…
Il faut bien que jeunesse se passe !
Bien sûr que je me suis inquiété
Et je m’inquiète encore !
Je sais bien maintenant
Qu’il ne lui est rien arrivé
Physiquement
Non !
Je le sais
Il revient
Il est entier
Et même si cela m’a inquiété
Maintenant que je le sais revenu
Intact
Sain et sauf
Que cette inquiétude-là
N’a plus lieu d’être
N’a plus raison d’être
J’ai comme une autre inquiétude qui me pique au cœur
Une autre inquiétude
Cachée par la première inquiétude
Une inquiétude
Plus profonde
Souterraine
Une inquiétude de par-dessous
L’inquiétude
Une inquiétude de par-delà
L’inquiétude
Une inquiétude
Au-delà
En-deçà
Du physique
Une inquiétude
Métaphysique
Le sentiment
D’une subtile catastrophe
D’un cataclysme
Intime
D’un tsunami
Intérieur
D’une discrète apocalypse
Comme si une bombe avait explosé quelque part
Sur un autre plan
Sous un autre rapport
Sous un autre regard
Dans le secret
Et qu’on n’en entendrait rien
Qu’on n’en sentirait rien
Et pourtant
Elle aurait bien sauté
Comme une explosion intérieure
Un Hiroshima secret
Métaphysique…
Etrange !...
Comme si le monde entier
Avait basculé
S’était renversé
Vaincu en secret
Tête en bas
Dans le silence
Comme une révolution
Totale
Que nul n’aurait remarquée
Et qui aurait pourtant bien eu lieu…
Bizarre…
Je sens quelque chose de changé
Comme si l’air avait une autre
Densité…
Allons !
Ce doit être l’émotion !
De revoir mon fiston…
Ce n’est sans doute rien…
Et pourtant…
Je dois m’être drôlement réveillé ce matin !
Ah !
Mon fils !
Comment vas-tu, mon enfant ?
Heureux de te voir sain et sauf !
- Même si ce n’est pas encore saint et sauvé !
Heureux de te voir aussi, Papa !
- Saint et sauvé ?
Que veux-tu dire
Par-là ?
- Oh, rien…
Je plaisantais !
Juste
Que le salut de l’âme
Prime sur celui du corps
Que le salut du corps seul
Ne vaut rien sans celui de l’âme…
- Oui oui
Bien entendu
On sait bien tout cela…
Mais parlons plus sérieusement
La rentrée approche
Que vas-tu faire cette année
Alors
T’es-tu inscrit à l’université ?
Tu n’as plus grand-chose à faire
Pour avoir tes diplômes
Un ou deux an encore à tirer
Et c’est gagné !
Pendant ton absence
On a reçu les papiers
Et devant ton silence
Je me suis permis de les remplir pour toi
Il n’y a plus qu’à les signer
Et les envoyer…
- Je veux bien signer
Tout ce que tu voudras
Mais je crains
Que cela ne serve à rien…
- Comment ça,
A rien ?
Tu veux choisir une autre voie ?
Tu as d’autres idées ?
Tu sais
On ne change pas
De voie
Comme ça
Il ne faut pas papillonner !
Il faut creuser son sillon
Patiemment
Lentement
Suivre sa voie
Approfondir
Mûrir…
- Justement !
Je ne veux plus rester
A errer
A la surface des choses
A la périphérie de la vie
Je veux
M’ancrer
M’approfondir
Mûrir
Durer
M’enraciner
Dans une seule voie
Pour la vie…
- C’est très bien,
Mais que veux-tu dire par là ?
- Tu vas voir
Laisse-moi d’abord te raconter
Une histoire…
…
Un père avait un fils
Ils vivaient tous deux
Dans un unique amour
Un même esprit soufflait en eux
De leur amour surabondant
Naquit un monde
Qui prit sa liberté
Et s’éloigna
D’eux.
Rebelle
Le monde allait
Plein de violence et de sang
Vers sa destruction
Quand le père
Pour le sauver
Envoya son fils
Le porter tout entier
Sur son épaule
Et leur esprit
Leur souffle
Pour le purifier
Le vivifier
Le rendre neuf
Le renouveler
Propre comme un sou neuf…
- Oui, je connais cette histoire,
Mais où diable veux-tu en venir ?
- Le fils vint
Pour devenir l’aîné
D’une multitude
De frères
Qui seraient à leur tour
Fils
En un unique fils
Par un unique esprit
D’un unique père…
Et c’est cette course
Vers l’Unique
Dans l’Unique
Par l’Unique
Qui est le but de la vie
Son pourquoi et son comment
Son explication
Son sens
Enfin
Son seul salut possible…
- Oui, on sait bien tout cela,
Je ne te savais pas si théologien…
Mais qu’est-ce que cela a à voir avec notre propos ?
- C’est cette course-là que je veux courir !
Qu’il me faut courir !
La course à l’Un !
Monos
L’Un
Et le moine
Monachos
Est celui qui recherche
L’Un
L’Unique Nécessaire…
- Que veux-tu dire ?
Tu m’inquiètes !
- Voilà
Israël
Est une terre sainte
Une terre de prophètes
Qu’elle fait naître et dévore
Il m’a semblé
Qu’il le fallait
Vivre
Et naître
En elle
Car c’est en elle que tout homme naît
Etre englouti
Dans le ventre de Sion
Dans le sein de la Jeune Fille Juive
Dans le cœur de la Mère universelle
Dans la grotte de Bethléem
Dans l’espérance d’Israël
Comme un prophète
Au creux d’une antre
Dans le sein de Dieu…
Après avoir visité
Le Sinaï et l’Horeb
Le Carmel et le Calvaire
J’ai passé quelques temps
Chez des moines
Et là
J’ai trouvé…
- Quoi ?
- J’ai trouvé
La paix.
Une paix indicible
Inouïe
Ineffable
Exigeante
Soudaine
Impérieuse
Impériale
Divine
Totale
Un tourbillon de dense paix
Une tempête de paix intense
Qui vous entraîne
Au combat…
Au vrai combat
La guerre intérieure…
Je leur ai demandé
Si je pouvais revenir
Une année
Parmi eux
Ils ont accepté…
Quelle joie, Papa, quelle joie !
Tu es le premier
A qui
Je voulais
La partager…
- Quelle
Joie
En
Effet…
Voyez-vous ça
Ça part
Quelques semaines
En voyage
En pèlerinage
Et ça revient
Apprenti-moine…
N’importe quoi !
Pourquoi pas
Vendeur de savonnettes
Egyptiennes
Tant que tu y es ?
L’Orient, ça mène à tout !
- Il ne s’agit pas de ça
D’un caprice
D’une lubie
Mais d’un appel
Un cri intérieur
Une voix dans le cœur
Douce et déchirante à la fois
Tendre et implacable
Qui m’a parlé
Au fond de mes entrailles
Une vibration nouvelle de l’air
Quelque chose de nouveau
De neuf
Comme si
Etaient rendues
Toutes choses nouvelles…
- Mon fils entend des voix !
Tu te prends pour Jeanne d’Arc, peut-être ?
Tu vas bouter les Arabes hors de Palestine, sans doute ?
La Pucelle d’Israël !
Allez
Ça suffit les bêtises
Je comprends que ce voyage t’ait marqué
Mais redescend un peu sur terre, mon fils !
- Ecoute, Papa,
Tu sais
Que je ne ferai jamais rien contre toi
Mais là
Je me suis engagé
Je suis engagé
Ma décision est prise
Et même
Ce n’est pas ma décision
Car ce n’est pas moi
Qui décide
Je ne fais que répondre
Que dire oui
Qu’obéir
Obéir à quelque chose de plus grand
Que mon père de la terre
A quelqu’un de plus père
Que mon père de la terre
Alors
Même si on appelle cela
Désobéissance
N’est-elle pas
Obéissance
Supérieure
A un ordre
Supérieur ?
- Mais c’est à moi
Que tu dois obéir !
Quoi !
Tu vas prétendre
Te délier
De l’obéissance
A ton père
Sous prétexte
D’obéir
A un père
Invisible
Dont seul
Tu entends
La voix ?...
C’est bien trop facile,
Mon enfant,
La ficelle est un peu grosse,
Ça ne prend pas…
Tu te la joues « saint François d’Assise » ?
Alors, toi aussi,
Mon fils ?
Toi aussi, mon fils ?
Tu veux partir ?
Tu veux vraiment
Partir ?
Mais ne sais-tu pas qu’il est écrit :
« Tu honoreras ton père et ta mère »
Tu honoreras ton père et ta mère
Ton père d’abord
Ce n’est pas pour rien
Que c’est en premier
Nom d’un chien !
- Oui
Mais il est écrit d’abord
« Tu adoreras le Seigneur ton Dieu
Et aucun autre dieu n’honoreras »
Il est écrit :
« Tu aimeras le Seigneur Dieu de toute ton âme, de toutes tes forces, de tout ton esprit... »
Il est encore écrit :
« Laisse les morts enterrer les morts, toi, viens, suis-moi... »
Et aussi :
« Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n’est pas digne du Royaume... »
Et il est écrit ailleurs :
« Le fils se dressera contre son père... »
Et puis :
« Celui qui fait la volonté de mon Père, celui-là est ma mère, mon frère... »
Et encore ailleurs :
« L’homme quittera son père et sa mère... »
- « ...pour s’attacher à sa femme et ils ne feront qu’une seule chair... »
Eh bien, marie-toi, bougre de gredin !
Qui te l’interdit ?
Qui t’en empêche ?
Regarde,
La jolie Marie
Et puis Juliette aussi
Et puis Julie, et Lucie....
Regarde toutes ces jolies amoureuses éconduites
Elles n’attendent que ça
Epouse en une, au moins !
Quoi !
Tu aurais ainsi butiné quelques années
De fleur en fleur,
De flirt en flirt
Pour rien....
Mais il faut se décider un jour
Mon garçon
Fonder sa ruche
Faire essaim
Quel scandale !
S’amouracher à droite à gauche
Enflammer les cœurs
Sans jamais en couronner un ?
Quel bon chrétien tu fais mon garçon !
Quelle charité !
Bravo !
Quelle gratitude !
Quelle générosité !
Laisse-moi te féliciter !
« Voilà, mes jolies,
Je vous ai fait tourner la tête,
Je vous ai fait tourner dans mes bras,
J’ai dansé et ri avec vous....
Mais maintenant je m’en vais.
Finalement,
Le menu ne me plaît pas
Vous êtes bien trop impures,
Trop charnelles,
Pas assez bien pour moi,
Je préfère la compagnie des anges, moi,
Ils sont bien plus à mon niveau... »
Quel orgueil !
Quel mépris !
Quelle folie !
Mais tu te prends pour qui, à la fin ?
Tu te prends pour un saint ?
Tu te crois supérieur aux autres ?
Meilleur que nous tous ?
Plus pur ? Plus généreux ? Plus parfait ?
« Mon saint fils, priez pour nous ! »
Tu te crois sorti de la cuisse de Jupiter ?
Monsieur tutoie les anges, peut-être ?
Monsieur est en ligne directe avec le Ciel ?
« Non, pardon, Monsieur ne doit pas être dérangé, il est en conversation avec le Bon Dieu... »
Mais je te connais !
Comme si je t’avais fait !
C’est moi qui t’ai fait, d’ailleurs !
Si tu crois que je vais m’y laisser prendre, moi,
A ton petit délire mystique,
A ta transe juvénile,
A ton extase,
A ta crise de foi !
Que je vais jouer les béni-oui-oui,
Etre complaisant et mielleux
« Oh oui, c’est formidable, vous vous rendez compte, un vrai petit saint... »
Je ne suis pas ta mère, moi !
Je ne suis pas une bonne femme !
Non !
Un père doit être juste, et sévère !
Le gant de soie dans la main de velours !
Enfin, la main de feu dans le gant de foi...
Euh...
Enfin, bon tu m’as compris, quoi !
Pas de complaisance !
Pas de compromis !
Je serai intransigeant !
Et c’est pour ton bien !
Tu me remercieras, plus tard...
En tout cas,
En attendant,
Pas question !
Hors de question !
Fils indigne !
Si tu crois que je vais te laisser dilapider ton héritage
Avec les filles et les cochons !
Et que ce soit des moines n’y change rien !
Quel gâchis !
Gâcher ainsi ses talents...
Tu te rends compte ?
Dieu t’a tout donné
Tu as tout pour toi
Une famille aimante
Des amis
Des capacités
Tout !
Et tu veux tout enterrer
Dans un monastère !
Dans un trou !
Tu crois que je vais te laisser prendre ce chemin de perdition ?
Non !
Il est étroit
Le chemin qui conduit à la vie...
Et ce n’est pas en te réfugiant dans la facilité que tu vas le trouver !
Tu es irresponsable !
La responsabilité, voilà la vérité, la charité, la chrétienté !
« Etre homme,
C’est être responsable »
C’est travailler
Se marier
Fonder un foyer....
Une place dans la société !
Etre un pilier de la société !
Tu crois que la priorité des temps c’est d’aller courir au couvent ?
Alors que tout fout le camp ?
C’est facile
Bien trop facile...
« Ecoutez,
Tout cela,
C’est bien joli,
Mais moi,
Je n’ai pas trop envie de me salir,
J’ai d’autres chats à fouetter,
Alors je vais couler des jours paisibles à l’abri d’une clôture,
Je vous laisse à vos petits soucis,
Travail, guerres, famines, familles, etc. »
C’est comme déserter en pleine bataille !
C’est de la lâcheté, tu m’entends ? De la lâcheté !
Fuyard !
Lâche !
Couard !
Traître !
Planqué !
Judas !
Oui,
Au fond
C’est cela
Tu n’es qu’un planqué
Un paresseux,
Les autres combattent
Vivent,
Pleurent
Suent et meurent
Et toi
Après avoir été choyé,
Nourri
Logé
Vêtu
Dorloté
Engraissé
Sur notre dos
Au moment où tu dois prendre ton vol
Sortir du nid
Tu préfères te réfugier bien tranquillement
Sous les ailes bien maternelles d’un monastère...
Plutôt que d’affronter la vie, la vraie...
Poule mouillée !
Parasite !
Rmiste !
Et la famille, tu en fais quoi ?
La cellule de base de la société !
Le socle de la civilisation !
Tu la bafoues,
Tu la piétines,
Tu la foules aux pieds !
Ingrat !
Monstre !
Néron !
Et ta pauvre mère ?
Tu y as pensé, à ta pauvre mère ?
Elle qui t’a porté des mois
Des années !
Qui t’a chéri comme la chair de sa chair
La prunelle de ses yeux
La moelle de ses os...
Tout cela pour se faire poignarder en plein cœur
Transpercée d’une épée brûlante....
N’as-tu pas honte ?
N’as-tu pas honte de faire pleurer ta mère ?
Ta pauvre mère...
Et puis, tu crois peut-être qu’il n’y en a pas assez, des moines et des bonnes sœurs !
Tu crois qu’ils ont besoin de toi ?
« Attendez, je suis indispensable, j’arrive... »
Et puis,
C’est archaïque !
Notre époque a besoin d’autre chose !
De chrétiens dynamiques
Insérés dans la société !
Le levain dans la pâte !
On n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau !
C’est ça la charité !
Pas d’aller se retirer dans un enclos pour marmonner des prières à longueur de journée !
Va chez les bonzes du Tibet tant qu’à faire !
Non mais !
Tu crois qu’elles vaudront mieux que les autres, tes prières ?
Qu’elles monteront plus vite au ciel ?
Que Dieu n’est pas partout, qu’il n’entend pas le secret des cœurs ?
Tu crois qu’elles valent mieux que les nôtres,
Nous autres, pauvres gueux embourbés dans le quotidien ?
Tu crois qu’un grand Salve Regina chanté en grégorien vaut mieux
Qu’un humble Je vous salue Marie murmuré dans le métro ?
C’est trop facile !
Ce serait trop facile....
« Salut la compagnie, je ne sais pas trop où vous en êtes,
Mais écoutez, moi je me tire... »
Monsieur est un aristocrate de l’esprit, vous comprenez,
Il nous laisse à fond de cale, nous autres, troisième classe de la spiritualité...
Mais ce sont les rats qui quittent le navire en premier !
Le capitaine, lui, il part en dernier !
- Et l’arche de Noé ?...
Et l’arche de Noé, Papa ?
Ne sais-tu pas qu’une église est comme un navire renversé qui navigue quille au ciel ?
Ne crois-tu pas qu’une abbaye est un vaisseau céleste ?
Tendant autour de lui mille lignes, mille filets
Lâchant mille bouées
Affrétant mille chaloupes
Pour tirer des eaux
Sauver du déluge
Tous ceux qui tendent la main
Prêts à s’agripper à la première planche de salut ?
Prêts à tout pour échapper à la noyade ?
A la débandade ?
Oui,
Il vaut mieux déserter...
C’est-à-dire
Aller au désert...
C’est là qu’est le vrai combat
Intérieur
La bataille
Cosmique
La guerre
Spirituelle
C’est là que se joue
Au plus secret des cœurs
Le salut du monde...
- Le salut du monde !...
Rien que ça...
Mon fils, sauveur du monde...
Monsieur va sauver la planète !
Superman !
Superhéros !
On nage en plein délire !
C’est le déluge, en effet !
Ne sais-tu pas que le désert est rempli de démons ?
Les serpents !
Le veau d’or !
Les tentations du Christ !
Celles de saint Antoine !
C’est là que tout ça s’est passé !
Tu te crois plus fort qu’eux ?
Tu te prends pour le Christ ?
Quelle folie !
Quel orgueil !
Regarde,
En ville,
On l’a chassé,
Le diable,
On n’en voit même pas la queue !
On a rogné ses cornes
Coupé ses griffes
On lui a confisqué sa pique
Ici tout est propre
Net
Cadré
Quadrillé
Où se cacherait-il
Le pauvre ?
Tout est sous contrôle...
Des caméras partout !
Il bougerait d’une corne
Qu’il serait aussitôt repéré
Contrôlé
« Vos papiers s’il vous plaît »
« Tout est en règle, mais on vous a à l’œil... »
« Allez, circulez.. »
Rien à voir !
Pas de diable en ville !
Evanoui
Disparu
Parti en fumée !
Invisible !
Inodore !
Envolé
Enterré...
Basta !
De toute façon
Plus personne n’y croit
Alors comment veux-tu que l’air des villes
Soit respirable pour lui ?
Et puis,
Il y a une église à chaque coin de rue
Une chapelle par ruelle
Alors comment veux-tu qu’il survive dans pareille atmosphère,
Dans cet air tout pollué de chrétienté,
Toutes ces croix,
Ces calvaires
Ces oratoires et ces Vierges de plâtre...
Irrespirable !
Alors il va au désert
Là au moins
Il est tranquille
Pépère...
Comme le lion il rôde
Et quand il trouve un petit anachorète
Un présomptueux de ton espèce
A se mettre sous la dent
Il se régale
Il n’en fait qu’une bouchée !
Ne t’inquiète pas qu’il y va !
Tu en auras, du combat
Du massacre
Pire que les arènes !
Il s’en donne à cœur joie !
A pleines dents !
Toutes griffes sorties !
Tous crocs dehors !
C’est la curée, l’abattoir, l’hallali !
Et il invite tous ses amis
Qui rappliquent comme des vautours !
Des hyènes !
Des chacals !
Charognards !
Bouffeurs d’âme !
Ils te bouffent en un rien de temps
Ils te gobent l’âme comme un oeuf
Ils te règlent ton compte en deux-deux
Fini
Le mystique amateur !
Cuit
L’ermite hermétique !
Ils en font du ragoût !
Du steak tartare !
Laminé
Le cénobite en goguette
Le saint Pacôme de pacotille !
Bouffé jusqu’à la moelle
Sucé jusqu’à l’os !
Ah, c’est festin,
C’est noce pour l’agneau !
A l’assiette, l’ascète !
Dans la marmite, l’ermite !
Dans l’estomac des loups et des renards !
Dans la panse des coyotes !
Jolie fin !
Bravo !
Tout cela parce que l’on est orgueilleux et présomptueux
Que l’on veut jouer au saint
Au mystique
A l’abba,
Au sage...
Vanité !
Mais je serai bon et généreux...
Sache que quand tu auras fini ta petite expérience mystique
Ta crise d’acné extatique
Ton petit tour en religion
Ton tourisme monastique
La maison te sera toujours grande ouverte
Je te recevrai à bras ouverts
On fera une belle fête
On tuera le veau-gras !
Une belle fiesta
Avec toute la famille
Tous les amis
Et tes amies aussi...
Alors...
Ne tarde pas trop...
- « Mon père et ma mère m’abandonnent, le Seigneur me reçoit... »
Parfois, il faut savoir abandonner père et mère pour recevoir le Seigneur...
J’honorerais mon père et ma mère,
Et je négligerais le Père de tout,
Le surPère,
Le superPère,
Le Père même de toute paternité ?
Le Père de tous les pères,
De tous les grands-pères,
De tous les arrière-grands-pères
Et arrière-arrière...
Le Père des aïeux,
Bisaïeux
Et trisaïeux
Jusqu’à Adam,
Le Père de tous les ancêtres
De tous les patriarches
Le Père du premier père même
Et du dernier,
Le Père de tous les pères
Qui ont jamais vécu,
Vivent
Et vivront,
Le Père de toute chose,
Le Père de l’univers,
Le Père universel,
Le Père de qui procède toute paternité ?
Non...
Ce n’est pas possible...
Ce n’est pas raisonnable...
Ce n’est pas juste...
Pour honorer mon père
Je ferais de lui une idole
Qui me coupe du Père ?
Non...
« Ne donnez à aucun d’entre vous
Sur la terre
Le nom de ‘père’,
Car vous n’avez qu’un Père :
Celui qui est dans les cieux… »
C’est en honorant
En adorant
Mon Père du ciel
Que j’honore
Celui de la terre
De même
Que c’est en aimant Dieu
Que j’aime
Toute sa Création
Toute créature...
« Ne savez-vous pas
Que je dois être
Aux affaires de mon Père ? »
Il n’a pas hésité,
Lui,
Jésus,
Tout Charité,
Tout Amour,
Rien qu’Amour,
A trancher net
A ronger d’inquiétude ses parents
Pauvre Joseph !
Pauvre Marie !
N’aurait-il pas pu les prévenir,
Rien qu’un mot,
« Voilà, il faut que je discute deux-trois points de théologie avec les Docteurs du Temple,
Ne vous inquiétez pas, je vous rejoins... »
Ils auraient compris
Il était Fils de Dieu !
Et très avancé pour son âge...
Mais non
Il a fallu qu’il les fasse poireauter,
Chercher
Se ronger les sangs
Trois jours pleins
Trois jours entiers
Trois jours longs
Comme des jours sans pain
Trois jours infinis
Interminables
Trois jours de peur
Trois jours d’angoisse
Trois jours à courir
A s’abîmer les yeux
A passer mille et mille fois
Aux mêmes endroits
A ausculter chaque recoin
A questionner
A interroger
« N’auriez-vous pas vu un enfant... ? »
Espoir et désespoir mêlés
Pauvres parents !
En plus
Ce n’était pas n’importe qui
Leur fils
C’était le fils de Dieu !
Le Messie !
L’enfant de la promesse !
L’enfant roi !
Le Libérateur d’Israël !
Quelle responsabilité !
Ecrasante !
Il l’avait fait échapper au massacre
Des enfants de Bethléem
Ils avaient fui en Egypte
Pour lui
Et là
Bêtement
Comme ça
D’un coup il n’était plus là
Envolé !
Disparu !
Englouti
Par la foule !
Quelle faute
S’il lui arrivait quelque chose !
Mais...
Dieu ne saurait-il
Veiller sur Dieu lui-même ?
Dieu ne saurait-il
Prendre soin de lui-même ?
Quel merveilleux
Quel douloureux
Quel exemplaire
Abandon
Cet Evangile
-Scandale et folie !-
Nous apprend...
Quelle merveilleuse
Quelle difficile
Liberté
Il donne
A tous les enfants du monde
-La liberté des enfants de Dieu !
« Le vent souffle où il veut,
Et tu ne sais
Ni d’où il vient
Ni où il va
Ainsi en est-il
De l’homme
Conduit par l’Esprit... »
Ne sais-tu pas que je dois être aussi
Aux affaires de mon Père,
Papa ?
- Mon fils,
Mon fils
Pourquoi m’abandonnes-tu ?
Un ange passe…
D’Abraham à Jean-Baptiste,
Est annoncé
L’unique sacrifice
Du Fils…
Voix qui crient dans le désert
Voies qui errent dans le désert
Et disent
De s’en remettre au Père…
Voix d’Abraham
Foi d’Abraham
Dans le Père
Confiance
Même pour son fils
Isaac
Le sourire de ses vieux ans
Devenant ainsi
Père d’une multitude
O sainte foi des patriarches…
Voix du Baptiste
Foi du Précurseur
Dans le Fils
Qu’il annonce
Et baptise
Et qui sera
Frère aîné d’une multitude
Foi dans l’Esprit
De Dieu
Du Père et du Fils
Esprit qui anime
L’Eglise des multitudes
Esprit de piété et de crainte
Esprit filial et non d’esclaves
Esprit de courage et non de peur
Qui nous fait crier au Père :
« Abba !
Papa ! »
Voix de Moïse
Foi de Moïse
En Dieu
Qui engendre et libère
Son peuple
Du ventre de l’Egypte
Et le mène
Au désert
Le conduit
Dans l’épreuve.... :
« Ainsi parle le Seigneur :
Mon fils premier-né,
C’est Israël… »
« Avant même de te modeler au ventre maternel,
Je t’ai connu… »
« Quand Israël était jeune
Je l’aimais,
Et d’Egypte,
J’appelai mon fils…
J’avais appris à marcher à Ephraïm,
Je le prenais par le bras…
Et ils n’ont pas compris que je prenais soin d’eux !
Je les menais avec des attaches humaines,
Avec des liens d’amour.
J’étais pour eux
Comme qui soulève un nourrisson
Tout contre sa joue,
Je m’inclinais vers lui
Et le faisais manger… »
« Au pays du désert,
Il le trouve,
Dans la solitude lugubre de la steppe
Il l’entoure,
Il l’élève,
Il le garde
Comme la prunelle de son œil.
Tel un aigle qui veille sur son nid
Plane au-dessus de ses petits,
Il déploie ses ailes et le prend,
Il le soutient sur son pennage.
Le Seigneur est seul pour le conduire,
Pas de dieu étranger avec lui… »
Ecoute, Israël !
« Le Seigneur ton Dieu te soutient comme un fils… »
« Le Seigneur te corrige comme un père… »
N’oublie pas le Rocher qui t’a mis au monde,
Souviens-toi de Dieu qui t’a engendré…
Enfant rebelle,
Crie-lui :
« Oh mon Père, tu es le guide de ma jeunesse ! »
Et il te répondra :
« Vous m’appellerez mon Père et vous ne vous séparerez plus de moi… »
Comme à l’adolescent il te crie :
« Revenez, fils rebelles, je veux guérir vos rébellions ! »
Et toi réponds-lui :
« Nous voici, nous venons à toi car tu es le Seigneur notre Dieu… »
Quarante ans au désert
Pour éduquer
Former
Fortifier
Son peuple
Son enfant
Avant de lui donner l’héritage
La terre promise…
Voix d’Elie
Foi d’Elie
Qui va où Dieu le mène
Au souffle de l’Esprit
Et reconnaît Dieu
Dans le silence même
Foi des prophètes
Qui ont Dieu pour Père
Et attendent
Annoncent
Son Messie
Son Serviteur
Son Fils…
Voix des prophètes
Voix de Dieu qui parle en ses prophètes
Voix du Père en ses fils :
« Je serai pour lui un Père,
Et il sera pour moi un Fils… »
« Je suis un Père pour Israël
Et Ephraïm est mon premier-né... »
« Mes entrailles s’émeuvent pour lui,
Pour lui déborde ma tendresse… »
« Ne méprise pas, mon fils,
La correction du Seigneur
Et ne prend pas mal sa réprimande.
Car le seigneur reprend celui qu’il aime,
Comme un père le fils qu’il chérit… »
« Je punirai leur révolte avec le fouet,
Leur faute avec des coups,
Mais sans lui retirer mon amour,
Sans faillir dans ma vérité… »
« Il m’appellera :
Toi, mon Père,
Mon Dieu
Et le Rocher de mon salut,
En retour je ferai de lui
Mon premier-né,
Supérieur aux rois de la terre… »
« Une femme oublie-t-elle son enfant,
Est-elle sans pitié pour le fils de ses entrailles ?
Même si les femmes oubliaient,
Moi, je ne t’oublierai pas,
Vois, je t’ai gravé dans la paume de ma main… »
« Le Seigneur m’a dit :
Tu es mon fils… »
« Comme est la tendresse d’un père pour ses fils,
Tendre est le Seigneur pour qui le craint… »
« N’avons-nous pas tous un père unique ?
N’est-ce pas un seul Dieu qui nous a créés ? »
Père de force et de tendresse
Mer de force et de tendresse
Père aux entrailles de Mère…
Un seul Dieu et Père de TOUS
Voix de Jésus
Foi de Jésus
Foi en Jésus
Fils du Père
Fils de l’homme
Fils de Dieu
« Le Seigneur m’a dit :
Tu es mon Fils,
Aujourd’hui je t’ai engendré… »
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé
En qui j’ai mis TOUTE ma faveur… »
Et nous tous en lui
Par lui
Dans la détresse et la tendresse
Fils du même Père
« Abba, Père,
Tout t’est possible ! »
« Père, pardonne-leur… »
« Père, entre tes mains, je remets mon esprit… »
Fils de la Croix
Et de la Résurrection
Fils des ténèbres et de la lumière
Fils au tombeau
Fils aux enfers
Fils dans la vie
Tous fils dans le Fils
« Va trouver mes frères
Et dis-leur :
Je monte vers mon Père
Et votre Père,
Vers mon Dieu
Et votre Dieu… »
Voix des Apôtres
Foi des Apôtres
« Tous ceux qu’anime
L’Esprit de Dieu
Sont fils de Dieu…
Vous avez reçu
Un esprit de fils adoptifs
Qui nous fait nous écrier :
ABBA, Père ! »
« La preuve que vous êtes dans le Fils,
C’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs
L’Esprit du Fils qui crie :
Abba, Père ! »
« Voyez quelle manifestation d’amour
Le Père nous a donnée
Pour que nous soyons appelés
Enfants de Dieu,
ET NOUS LE SOMMES ! »
Comme le patriarche
Et le peuple
Le prophète
Et le Messie
Le moine
Part au désert
Se fait prophète
Et peuple
Façonné par la main du Seigneur
Seul en Dieu seul
Multitudes de solitaires
Qui peuplent les déserts
Foi du moine
Voie du moine…
« Quel est d’entre vous le père
Auquel son fils demandera un poisson
Et qui à la place du poisson
Lui remettra un serpent ?
Ou encore s’il demande un œuf,
Lui remettra-t-il un scorpion ?
Si donc, vous qui êtes mauvais,
Vous savez donner
De bonnes choses
À vos enfants,
Combien plus
Le Père du ciel
Donnera-t-il
L’Esprit saint
À ceux qui le prient ! »
Allons demander
Au désert
Allons demander au Père
Pain, poissons…,
Manne céleste,
Et avant tout l’Esprit !
Voilà ce qu’est
Etre moine
Petit enfant dans la main de dieu
Nourrisson du bon Dieu
Petit enfant de Dieu…
Montagne au triple nom
Sinaï
D’où descendit la haine du péché
Horeb
D’où descendit le glaive de justice
Bas Chan
Où vint l’Eternel !
Mont du buisson ardent
Simple buisson d’épines
Le plus commun
Le plus simple
Le plus humble des arbres
Simple arbuste même
Comme Israël
Petit arbuste rabougri parmi les nations
Petit arbre chétif à l’ombre de l’Egypte
Buisson sec et épineux sous les palmiers dattiers
Lourds et chargés de fruits
Lourds de miel et de bière,
De vin et de sucre…
Israël brûlé de douleur
Amis non consumé
Israël enflammé de confiance
Mais non brûlé…
Comme l’Eglise,
Nouvel Israël,
Qui n’abolit mais accomplit l’antique,
Second Israël
Au peuple de baptisés
De confesseurs de la foi
De croyants et de martyrs
Eglise…
Humanité !
Peuple rebelle
Adorateur du veau
Idolâtre
Infidèle
Peuple pécheur
Douteur
Sceptique
Critique
Mais peuple pardonné
Recréé
Peuple en marche
Ressuscité
Os desséchés qui prennent vie
Vallée de la mort
Qui se fait nouvel Eden
Mort changée en vie…
Eglise…
Olivier sauvage
Enté sur l’olivier franc
Y apporte sa vigueur
Et y apprend la fidélité…
Le moine
Est comme une olive
Pressée au moulin de Dieu
Un noyau d’olive
Pour faire un chapelet
Un sarment taillé par le bon Dieu
Pour sa vigne…
Buissons ardents aux déserts
A l’ombre des cellules
Au couvert des cloîtres
Feux de prière
Qui montent vers le ciel
Et brûlent sans consumer ni discontinuer…
Sinaï
Montagne trois en une
Seule dans le désert
Comme y est seul Israël
Comme y est seul le prophète
Le moine…
Vox clamantis in deserto
Voix qui crient dans le désert
Voix qui prient dans le désert
Dans le silence
Dans le sein
Du Père…
Voix par qui jaillissent
Les rivières !
Voix par qui fleurissent
Les déserts !
Dieu créa les eaux
Et Léviathan pour qu’il serve à ses jeux
Et l’Esprit planait au dessus des eaux
Et après le Déluge
Dieu leur mit une limite
A ne pas franchir
Et Dieu vint lui-même
Sous forme humaine
Vaincre les eaux
Vaincre nos gouffres
Nos abîmes
Nos puits perdus
Ensablés
Nos citernes lézardées
Nos eaux mortes
En faire des sources jaillissantes
Pour la vie éternelle…
Histoires d’eaux…
Comme Abraham
Au mont Moriah
N’a pas hésité
A sacrifier
Son fils
Et son fils unique
L’enfant de sa vieillesse
L’enfant de la promesse
Ainsi le Père
N’hésite pas
A sacrifier
Son Fils unique
Son Fils bien-aimé
En qui il a mis
Tout son Amour
Pour le salut de tous
De tout…
Mais le Fils est rendu au Père
Plus vivant que jamais
Il est rendu par le Père
Plus vivant que jamais
Et c’est en son Esprit
Que nous sommes rendus
Fils
Capables
De crier à Dieu :
Abba
Père
Papa !
C’est ainsi
Que tourne le cercle
A chaque père
Il est demandé
De devenir fils
Fils d’un même Père
Pour vivre d’un seul esprit
Fils dans le même Fils
Où tous les hommes sont frères
Fils du même Père
Vivant d’un même Esprit.
C’est ainsi
Qu’à la place des pères
Se lèveront les fils
Et seront à leur tour
Père d’autres fils
Tous fils du Père.
C’est en ce lieu secret
D’intime paternité
De filiation subtile
En ce lieu
Evident
Du cœur
Sur cette fine pointe
D’Amour
Que se fait l’unité
Du Créateur et du créé
Du Père du Fils et de l’Esprit
C’est en ce lieu secret
Que le fils et le père deviennent frères
Sans être moins fils ni père
Mais encore plus frères
Dans le Fils unique
D’un unique Père
Dans un unique Esprit –
Amour unique et plein !